10 septembre 2014

L pour Levy


Levy.  En anglais, on dit un long-shot.  Mais je ne pouvais pas ne pas parler des Alouettes.  J'ai choisi Marv Levy, car il a été un acteur important dans le succès des Alouettes dans les années 70.

D'abord, comme tu te concentres surtout sur le hockey, j'imagine que tu ne t'es pas penchée souvent sur les fondements du football.  Je vais donc te donner de bons pointeurs pour ne pas avoir l'air folle quand il y aura des partys de la Coupe Grey ou du Super Bowl. Il est bien important de démêler la CFL de la NFL et surtout les règles qui différencient le football canadien du football américain.  Il s'agit bien de deux sports différents.  Le football consiste à faire progresser le ballon jusque dans la zone des buts adverses pour marquer des points.  Un touché par la passe (captée dans la zone des buts) ou la course (avec le ballon jusqu'à la zone des buts) vaut 6 points.  Un placement (botté du ballon entre les poteaux) vaut 3 points.  Pour progresser sur le terrain, l'équipe qui a le ballon a un nombre fixe d'essais pour franchir 10 verges.  À chaque fois que cet objectif est atteint, on reset le compteur au premier essai (first down).  Quand une équipe ne franchit pas 10 verges dans sa série d'essais, elle cède le ballon à l'adversaire qui s'essaye à son tour dans la direction opposée, mais pas avant que l'équipe adverse ait habituellement utilisé son dernier essai pour dégager le ballon à l'aide d'un botté.  Mais diantre, je viens de réaliser que j'explique tout ça pour rien comme tu as déjà joué au flag football. Je n'effacerai toujours b'en pas tout ce texte.

Au football canadien (CFL), le terrain est de 110 verges (il y a une ligne centrale à 55 verges). Au football américain (NFL), le terrain est de 100 verges.  Ça a tout l'air qu'avec une population dix fois moindre sur une superficie plus grande, le Canada peut se permettre un terrain plus grand.  Malgré que le terrain soit plus long au football canadien, c'est seulement 3 essais pour franchir 10 verges contre 4 essais dans la version américaine.  Je me dis qu'on est meilleur que les Américains pour bien faire les choses du premier coup, c'est pourquoi on concède moins d'essais pour arriver au même résultat.  Il y a donc un peu plus de courses au sol dans la NFL avec l'essai supplémentaire. En revanche, on voit plus de changements de possession dans la version canadienne, ce qui brise parfois le rythme, mais provoque aussi des revirements inattendus. Il y a évidemment plus d'argent et de prestige à jouer dans la NFL. La CFL est un peu considérée comme une ligue de consolation pour les joueurs américains tandis que la NFL est un rêve pour les joueurs de l'élite canadienne.  La plupart des joueurs de la CFL cumulent un deuxième emploi pour vivre, même s'ils sont payés pour jouer.


Stade Percival Molson
Tout de même, si on oublie le budget de promotion et le battage médiatique autour de la NFL qui dilue son talent sur 32 équipes, on peut dire que la CFL donne un excellent spectacle avec moins de 10 équipes.  Il y a un quota de joueurs canadiens, ce qui protège l'identité canadienne des équipes et assure un excellent sauf-conduit à nos meilleurs joueurs collégiaux et universitaires.  Les Alouettes, comme toute équipe professionnelle à Montréal évoluent dans l'ombre du CH, mais dans cette position de négligés de l'espace marketing, ils ont toujours bien joué leurs cartes en se rapprochant davantage du public.   Comme avec l'Impact (soccer) d'ailleurs, les joueurs sont très accessibles.  Les fans ont aussi moins de difficultés à connecter avec une idole qui a un salaire dans le même ordre de grandeur qu'eux.  Les Alouettes ont joué dans plusieurs stades dans leur histoire, mais ils jouent la plupart des matchs au Stade Percival Molson en plein centre-ville au pied de la montagne depuis 1998 et ce n'est sûrement pas étranger au succès populaire.

Comme toute équipe, les Alouettes ont connu des hauts et des bas dans leur histoire.  Ils ont remporté 7 Coupes Grey depuis leur première saison en 1946.  Dans les années 80, la franchise fût dissoute, reprise sous un autre nom, les Concordes, pour disparaitre complètement en 1986.  Elle est récupérée en 1996, suite à l'expansion ratée de la CFL aux USA.  L'équipe connaît du succès depuis 2000 et elle a d'ailleurs remporté 3 Coupes Grey depuis 2002.  Mais c'est dans les années 70 que l'équipe a connu son âge d'or, sous la gouverne de Marv Levy.  Le Marv en question est atterri à Montréal en 1973 après avoir été entraineur-adjoint dans quelques équipes de la NFL.  En tant qu'entraîneur-chef, il mène les Alouettes à 3 finales de la Coupe Grey entre 1973 et 1977, chaque fois contre le rival de toujours, les Eskimos d'Edmonton.  Montréal l'emportera deux fois dans cette période.

En 1976, le club déménage au Stade Olympique et établit des records d'assistance pour une équipe professionnelle au Canada avec des foules supérieures à 68000 personnes.  La Coupe Grey de 1977 disputée au Stade fût mémorable.  Il faut se rappeler qu'à l'époque le stade est encore inachevé, sans mat ni toit.  Deux jours avant la finale, une tempête de neige s'abat sur la ville.  En pensant pouvoir nettoyer le terrain la veille du match, l'équipe d'entretien épand du sel déglaçant sur la surface de jeu, mais une forte pluie suivie d'un refroidissement transforme cette soupe de sel en patinoire.  Tony Proudfoot, demi-défensif, a une révélation quand il voit un technicien électrique utiliser sa brocheuse industrielle pour poser des agrafes sous ses semelles pour éviter de glisser.  Tony passe alors à la quincaillerie au petit matin et montre au reste de l'équipe comment transformer leurs crampons d'été en crampons d'hiver pour jouer ce que plusieurs appelaient déjà le Ice Bowl.  Avec cette traction accrue, les Alouettes l'emportent 41-6 sur les Eskimos devant 68300 spectateurs qui ont dû se rendre au match malgré une panne générale du Métro de Montréal et des conditions routières exécrables.  Aujourd'hui le mat est debout, le stade est couvert, mais inaccessible aussitôt qu'il neige avec son toit considéré non-sécuritaire sous le poids des précipitations solides.  Quelle ironie.



Après cette saison 1977, Marv Levy entend le chant des sirènes de la NFL et accepte de diriger les Chiefs de Kansas City pour quelques années avant de prendre la barre les Bills de Buffalo pendant 11 ans de 1986 à 1997.  Il s'inscrit dans l'histoire comme un des deux seuls entraîneurs-chefs à avoir participé à des finales de la Coupe Grey et du Super Bowl; un des rares à cumuler 100 victoires dans la NFL et le seul à avoir diriger une équipe dans 4 Super Bowl consécutifs.  Mais il est aussi célèbre pour les avoir tous perdus.  Eh oui, de 1990 à 1993, les Bills sont finalistes du Super Bowl, mais s'inclinent dans chacune de ces finales.  Marv Levy échangerait probablement toutes ses belles statistiques pour une seule bague du fameux championnat.  Il est maintenant écrivain, vit à Chicago et a informellement conseillé Marc Trestman lorsqu'il était entraineur des Alouettes il y a quelques années.

Tony Proudfoot, l'homme de la brocheuse à crampons du Ice Bowl, a fait carrière comme éducateur physique, notamment au Collège Dawson.  Il est décédé de la Sclérose Latérale Amyotrophique en 2010, mais pas avant s'être impliqué avec la Société SLA du Québec pour créer un fonds de recherche en son nom.  Je pense qu'il aurait beaucoup apprécié la folie du Ice Bucket Challenge de cette été.  Ce fût une belle façon de relayer le ballon de l'entraide, comme l'Ultra Bromont et le vélothon Roulez pour la SLA qui se déroule en fin de semaine avec mes amis Marc, Marco et Phil qui amassent des dizaines de milliers de dollars depuis 4 ans avec leur équipe de Pédaleux.

Tu peux voir les Alouettes au Stade Percival Molson (Métro McGill) au pied de la montagne.  Ce n'est pas leur meilleure année, mais comme moi, tu sais que ce n'est pas terminé tant qu'on n'a pas entendu le sifflet final.

Après avoir plumé les L des Alouettes, on va prendre l'air dans un endroit qu'on M.


3 commentaires:

  1. C'était intéressant comme texte ça! Je connais le foot mais je ne savais pas les règles qui différencient le football canadien et américain et je ne connaissait surtout pas les légendes des Alouettes. L'histoire de la finale contre les Eskimos est quand même assez ironique... Des Eskimos pas habile sur la neige est des Alouettes qui inventent des patins pour jouer au foot!! Hahaha!!!

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    1. J'espère vraiment que tu pourras un jour voir les Alouettes dans le beau stade au pied de la montagne. Un jour ensoleillé, sans neige...

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  2. haha oui, si la météo est au rendez-vous j'aimerais bien!

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