03 septembre 2014

G pour Gai

                                  

Gai.  Si un chien habitait ce blogue, ce petit mot de trois lettres l'aiguillonnerait vers sa baballe qu'il prendrait dans sa gueule et il sauterait frénétiquement avec l'anticipation de s'amuser ferme pour rapporter le jouet rebondissant à son maître.  Mais quand il comprendrait qu'il s'agit plutôt du mot désignant une orientation sexuelle, un quartier et un long combat d'acceptation,  il lâcherait la balle et reprendrait sa mine de molosse incompris, la tête penchée et les oreilles molles.

C'est un mot parfait pour parler des différences.  La ville concentre des phénomènes qui existent partout.  D'abord le nombre d'individus augmente grandement les probabilités de rencontrer ce qui serait moins fréquent dans un village.  Puis, le nombre et la densité qu'on croiraient a priori des vecteurs de connection amènent plutôt les gens à profiter du facteur anonyme pour exprimer leur spécificité dans la masse.  Même dans les pays les plus conservateurs, c'est évidemment dans les grandes villes qu'on trouve les rares braves qui osent afficher la différence en défiant l'autorité.  Les femmes d'Arabie Saoudite qui conduisent des voitures à Riyad (la conduite d'une voiture est interdite aux femmes en Arabie).  Les femmes iraniennes qui se découvrent la tête à Téhéran.  Tu me diras que ce sont des exemples moyenâgeux, mais tout de même, des choses qu'on prend pour acquises, même ici, font encore l'objet d'un combat au quotidien ailleurs dans le monde.

Le rejet de la différence est un trait inné chez les espèces animales.  Beaucoup d'expériences avec les primates montrent que l'injection de différences physiques dans des groupes mènent rapidement à la ségrégation.  La différence rend craintif et devient menaçante pour celui qui ne cherche pas à comprendre.  Cette crainte viscérale mène à beaucoup de fausses pistes quand elle n'est pas rationalisée.  Par exemple, la couleur de peau et la notion de race chez les humains est totalement ridicule.  La peau dite noire et la peau dite blanche n'est pas un absolu, le teint de peau étant un phénomène continu.  Ainsi, il serait possible d'aligner les 7 milliards d'humains de façon à former une file dans laquelle chaque individu et son voisin seraient identiques en "couleur", alors que les deux individus aux extrémités seraient de teints aussi différents que le jour et la nuit.  Dans cette file, personne ne réussirait à tracer la frontière du "noir" et du "blanc", car n'importe laquelle de ces frontières séparerait deux individus perçus parfaitement de la même "couleur".  Race = illusion.



L'homosexualité est aussi un terrain difficile.  Il y a 25 ans, quand un touriste arrivait dans la ville de San Francisco, certains bureaux touristiques hachuraient le quartier gai sur les cartes de la ville en décourageant les visiteurs d'y aller au risque qu'ils se fassent aborder.  Dans plusieurs pays, l'homosexualité est passible d'emprisonnement, de sanctions corporelles et même de la peine de mort.  Autour de nous en Amérique du Nord, des groupes conservateurs continuent de proposer des cures pour "guérir" les homosexuels de leur mal.  D'autres persistent à croire que l'orientation sexuelle est un choix.  C'est un grand malheur que cette ignorance soit encore tolérée dans nos sociétés.  Je commence à penser que certains téléphones sont plus intelligents que leur propriétaires. Qui peut empêcher un coeur d'aimer, qui peut empêcher des hormones consentantes de connecter: Seulement des imbéciles.

Après le racisme et l'homophobie, je dirais que c'est la xénophobie qui complète le tableau des intolérances les plus répandues dans nos civilisations.  Ici, c'est plus complexe, car la culture peut déteindre, diluer et influencer par le nombre.  C'est par le cadre réglementaire du vivre ensemble qu'on peut orchestrer le présent et le futur.  Or, plusieurs font le raccourci d'ostraciser tout ce qui s'habille, mange, croit et prie différemment de la masse.  On oublie vite que nous sommes tous des métissés à différents degrés.  Si on pouvait remonter l'arbre de générations qui a concocté ce qui coule dans nos veines, on trouverait des aborigènes, des celtes, des mésopotamiens, des africains et une parenté évidente avec tout ce qui a du poil.

Je sais bien que tu as déjà remarqué le bouillon de culture exotique qu'il y a dans ton entourage.  Ce contact quotidien avec cette diversité va t'inoculer graduellement du rejet inné de la différence.  Mais il y a encore plus frappant que la faune du CEGEP.  Il y a des endroits de Montréal où la différence anonyme s'est agglutinée pour former un concentré qui permet de se désensibiliser pour encore mieux s'ouvrir aux différences.  J'ai découvert ces petits coins d'exotisme instantané en marchant la ville il y a plus de 20 ans.  Au début, on se sent voyeur en pénétrant dans ce qui nous semble des zones d'exclusion, mais à force d'exposition, on finit par intégrer une nouvelle différence qui nous élève un peu plus en nous faisant réaliser que malgré les différences superficielles, nous sommes simplement des terriens (presque) tous à la recherche du bonheur.

Je propose trois exemples de choc de diversité dans la ville:

  • Le Village Gai. Reconnu dans le monde pour sa superficie, le Village constitue un pôle social important pour la communauté LGBT.  Non-délimité officiellement, on peut le situer à l'est de la rue St-Hubert entre les rues Sherbrooke et Viger à l'ouest de Papineau.  On peut remercier la communauté LGBT pour avoir revitalisé grandement ce quartier pauvre surtout sur l'axe Ste-Catherine.  L'apport économique se double d'un apport culturel important par les façades des immeubles, le mobilier urbain (dont les boules roses au dessus de la rue Ste-Cath) et l'éclectisme non-retenu de ses résidents.  Couleurs, créativité et excentricités sont au rendez-vous.



  • Le coeur hassidique d'Outremont.  Visuellement, c'est un choc garanti.  Vêtus de noir, chapeaux à larges bords, dont certains bordés de fourrure (Schtreimel), les grandes barbes et les papillotes (ces deux couettes de cheveux en boudin qui descendent devant les oreilles), les hommes de cette communauté juive orthodoxe détonnent par leurs austères habits.  Les femmes rasent (ou dissimulent) leurs cheveux et portent une perruque (!).  Ces gens sont très déterminés à perpétuer leurs coutumes.  Ils observent strictement le shabbat, construisent des abris symboliques sur leur balcon et délimitent des espaces reliés à leur religion à l'aide d'un câble aérien (érouv) entre leurs bâtiments.  Ces pratiques provoquent une certaine tension avec les représentants municipaux et les citoyens non-hassidim qui tentent d'établir des règles consistantes tout en essayant d'accommoder la communauté.  On fait ce petit voyage (dans le temps) au nord de Fairmount Ouest entre le Mont-Royal et l'Avenue du Parc.



  • La cité indienne de Montréal.  Le quartier Parc-Extension s'est transformé graduellement en terre d'accueil pour les gens du sous-continent indien.  Adossé au Parc Jarry (Métro Parc), ce quartier permet un petit voyage en Inde sans décalage horaire.  C'est un peu moins évident en hiver, mais quand même, les épices indiennes embaument toujours les rues.  L'habillement des gens ne trompe pas sur leurs origines et leur cuisine est en vedette sur la rue Jean-Talon.  J'aime bien Bombay Mahal qui sert une cuisine excellente et très abordable.  Un bon poulet tikka avec du pain naan, miam miam.  Un bon coin pour pratiquer ton anglais (ou ton hindi).


En tout cas, un bon jour aux Outgames, on va peut-être entendre: "Le but des Stars de Montréal, marquée par la no 15 Mado Lamothe Jr, avec l'aide du no 8, Hiranyadha Phalaswal et du no 86 Elisheva Shedlitz".   Ce serait un signe de progrès et d'intégration réussie si jamais ça arrive.


G fini le G.

H comme Hache ?  H comme Haschich ? H comme Habitant ?  C'est à voir.


4 commentaires:

  1. En effet, j'avais remarqué qu'il y a plus de gens différents par la culture, la religion et l'orientation sexuelle ici qu'à Cowansville. La moitié des filles de mon équipe sont lesbiennes! Je savais pas que les hassidims étaient aussi intenses que ça dans leur pratique religieuse.. Peut être qu'accompagné j'irais un jour faire un tour dans ses quartiers là question de m'ouvrir davantage l'esprit (ouverture interculturelle Rose et Marguerite :P), mais pour le moment je me sens encore assez dépaysée simplement à LaSalle!

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    1. La moitié de l'équipe ? Moi aussi, si j'étais une fille, je serais lesbienne, mais probablement que je dis ça parce que je suis un gars hétéro. Si j'étais homo, je me trouverais un conjoint de la même taille et j'aurais d'un coup deux fois plus de vêtements à porter. Très pratique.

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  2. Tellement gars comme commentaire mon 'beau' Éric... Et Rachel, dis toi que dans les Stars notre 'ratio' était plutôt de type exception que norme...

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  3. Éric, autant ton texte de la lettre G était élaboré, écrit avec des mots savants et ouvert d'esprit, autant ton commentaire est niaiseux!
    Mon commentaire en lisant ton G est que je suis contente que Rachel soit partie avec le dictionnaire de la famille, elle en a peut-être eu besoin parce que tu y es allé fort dans les grands mots.
    Sérieusement, bien des gens auraient intérêt à lire le G pour s'ouvrir l'esprit. Merci pour tes beaux textes!!! Isabelle

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