Z pour Zee End. Comme la jeunesse, tout à une fin, même l'alphabet. Aujourd'hui, jour de tes 18 ans, tu quittes l'enfance définitivement (au sens québécois) et j'en profite pour mettre une dernière main sur cet abécédaire épistolaire urbain. J'ose croire que tu y as appris des choses intéressantes et que tu te sens plus à l'aise dans la grande ville après quelques mois à y résider.
Je comprends que jusqu'à date, tu as surtout orbité autour du Cégep, la résidence étudiante et les arénas. Je t'imaginais voguer plus souvent à la découverte de nouveaux lieux, mais je réalise que dans les derniers mois, tes temps libres baignent surtout dans des odeurs de vestiaire quand ils ne portent pas la fragrance minérale du crayon qui glisse sur le papier mat des cahiers scolaires. Pour le reste, l'autobus Limocar est un peu devenu ta navette spatiale pour les retours fréquents à la base familiale. Tout ça témoigne de ta détermination à atteindre tes objectifs, mais aussi que tu as vite compris qu'on peut très bien faire son nid ailleurs tout en demeurant en symbiose avec son noyau familial. Surtout quand on peut ramener son sac de lessive et repartir avec un sac d'épicerie. Ça, je l'avais prescrit dès la lettre A. Tu apprends vite.
J'avais visualisé la grande joie qui m'habite dans tout projet d'écriture, mais je n'avais pas cru en apprendre autant et surtout m'aventurer dans autant de zones marginales en écrivant à ma nièce. En opposition à des A, B, C, D assez inoffensifs, on a eu des G, I, P et X plutôt osés. Je sais que tu as particulièrement apprécié les thèmes qui te touchent de plus près comme le C, le K, le L, le O ou le U, mais que les sujets aient été ou non dans ton cercle d'intérêt, j'ai toujours senti une véritable écoute vis à vis celui qui essaie de toutes ses forces d'être un mentor utile, ressourçant, en se permettant parfois d'être un brin impertinent.
J'ai longtemps pensé à associer une chanson comme trame sonore à cette dernière missive. J'avais d'abord pensé à la très populaire Deux par Deux Rassemblés de Pierre Lapointe. Cet hymne à la vie frappe dans le mille pour ce qu'on aimerait dire à une fille (femme) de 18 ans pleine de talent qui a toute la vie devant elle: "Ce n'est sûrement pas de briller qui nous empêchera de tomber. Ce n'est sûrement pas de tomber qui nous empêchera de rêver". C'est quelque chose que j'aurais aimé écrire.
J'ai penché aussi pour la suite Golden Slumbers-Carry That Weight-The End qui est très à propos. Cette triade de pièces qui conclut Abbey Road, le dernier album des Beatles, est surtout une complainte de Paul qui se désole de la dislocation nécessaire du groupe. Cependant, dans sa maturité créatrice, il a réussi quand même à raffiner suffisamment le texte pour qu'on puisse y trouver en quelques minutes le cycle complet de la vie. Commençant par une tendre ballade qui promet la berceuse qui réconforte la fillette avant son sommeil: "Sleep pretty darling, do not cry and I will sing a lullaby", le quatuor enchaîne avec un chant tonitruant presque militaire qui annonce le tumulte d'une vie adulte faite de grandes attentes souvent déçues: "You're gonna carry that weight a long time... in the middle of the celebration I break down". The End, la pièce finale, en plus de nous donner une des plus mémorables leçon de guitare électrique de tous les temps et le seul solo de batterie enregistré par les Beatles, nous laisse avec cette phrase simple, mais monumentale: "And in the end, the love you take is equal to the love you make" -> "Au final, l'amour que tu reçois équivaut à l'amour que tu donnes". C'est presque la loi de conservation de la chimie appliquée à notre façon de se traiter soi-même, de s'impliquer dans nos projets et surtout de transiger avec les autres. L'autre chose à comprendre, c'est que ça finit par finir, ça peut durer à peu près 100 ans et qu'on a juste une chance de bien faire. Il faut donc cultiver ses passions, ne gaspiller aucun rêve, connecter le mieux possible avec nos congénères et garder les deux pieds sur terre.
Mais malgré la place de choix qu'ils occupent dans mes préférences musicales, je n'ai pas choisi les Beatles pour bercer la clôture de cette série de lettres. J'ai plutôt pigé dans le répertoire d'une autre bibite célèbre, Bob Dylan. La chanson que j'ai choisie en est une de rupture amoureuse, mais ça n'a aucune importance, car ce vieux routier du folk a toujours dit de ceux qui cherchaient des significations profondes et précises à ses textes perdaient un peu leur temps, car en bon poète, il choisit les mots et les rimes juste en fonction de la beauté qu'il perçoit et comme pour la peinture, c'est à chacun son interprétation. La chanson est You're a Big Girl Now. (T'es une grande fille maintenant).
Je suis peut-être un sentimental fini, mais le thème de cette chanson triste vient me prendre à la gorge à chaque fois. Je déplace immanquablement le propos du texte vers ma nostalgie de la jeunesse qui s'évapore (Time is a jet plane, it moves too fast). Je ne me suis pas reproduit, mais la chance que j'ai d'avoir vu grandir de près mes neveux et nièces m'a transformé au point où l’occurrence de leur départ du noyau familial m'angoisse silencieusement. Chaque fois que j'entends ce râle de douleur après la première mesure de chaque couplet, je ne peux m'empêcher de faire fast-forward vers le vide de votre absence après qu'un à un, vous vous serez affranchis de nos ficelles pour faire votre vie. C'est comme une mini-rupture chaque fois, dans l'ordre des choses certes, mais ça me pince le coeur de l'envisager (like a corkscrew to my heart).
Mais voilà, je dois cesser de me désoler sur le chemin solitaire de la vieillesse qui nous guette. Mets le son dans le tapis et la vidéo plein écran...
Je comprends que jusqu'à date, tu as surtout orbité autour du Cégep, la résidence étudiante et les arénas. Je t'imaginais voguer plus souvent à la découverte de nouveaux lieux, mais je réalise que dans les derniers mois, tes temps libres baignent surtout dans des odeurs de vestiaire quand ils ne portent pas la fragrance minérale du crayon qui glisse sur le papier mat des cahiers scolaires. Pour le reste, l'autobus Limocar est un peu devenu ta navette spatiale pour les retours fréquents à la base familiale. Tout ça témoigne de ta détermination à atteindre tes objectifs, mais aussi que tu as vite compris qu'on peut très bien faire son nid ailleurs tout en demeurant en symbiose avec son noyau familial. Surtout quand on peut ramener son sac de lessive et repartir avec un sac d'épicerie. Ça, je l'avais prescrit dès la lettre A. Tu apprends vite.
J'avais visualisé la grande joie qui m'habite dans tout projet d'écriture, mais je n'avais pas cru en apprendre autant et surtout m'aventurer dans autant de zones marginales en écrivant à ma nièce. En opposition à des A, B, C, D assez inoffensifs, on a eu des G, I, P et X plutôt osés. Je sais que tu as particulièrement apprécié les thèmes qui te touchent de plus près comme le C, le K, le L, le O ou le U, mais que les sujets aient été ou non dans ton cercle d'intérêt, j'ai toujours senti une véritable écoute vis à vis celui qui essaie de toutes ses forces d'être un mentor utile, ressourçant, en se permettant parfois d'être un brin impertinent.
J'ai longtemps pensé à associer une chanson comme trame sonore à cette dernière missive. J'avais d'abord pensé à la très populaire Deux par Deux Rassemblés de Pierre Lapointe. Cet hymne à la vie frappe dans le mille pour ce qu'on aimerait dire à une fille (femme) de 18 ans pleine de talent qui a toute la vie devant elle: "Ce n'est sûrement pas de briller qui nous empêchera de tomber. Ce n'est sûrement pas de tomber qui nous empêchera de rêver". C'est quelque chose que j'aurais aimé écrire.
J'ai penché aussi pour la suite Golden Slumbers-Carry That Weight-The End qui est très à propos. Cette triade de pièces qui conclut Abbey Road, le dernier album des Beatles, est surtout une complainte de Paul qui se désole de la dislocation nécessaire du groupe. Cependant, dans sa maturité créatrice, il a réussi quand même à raffiner suffisamment le texte pour qu'on puisse y trouver en quelques minutes le cycle complet de la vie. Commençant par une tendre ballade qui promet la berceuse qui réconforte la fillette avant son sommeil: "Sleep pretty darling, do not cry and I will sing a lullaby", le quatuor enchaîne avec un chant tonitruant presque militaire qui annonce le tumulte d'une vie adulte faite de grandes attentes souvent déçues: "You're gonna carry that weight a long time... in the middle of the celebration I break down". The End, la pièce finale, en plus de nous donner une des plus mémorables leçon de guitare électrique de tous les temps et le seul solo de batterie enregistré par les Beatles, nous laisse avec cette phrase simple, mais monumentale: "And in the end, the love you take is equal to the love you make" -> "Au final, l'amour que tu reçois équivaut à l'amour que tu donnes". C'est presque la loi de conservation de la chimie appliquée à notre façon de se traiter soi-même, de s'impliquer dans nos projets et surtout de transiger avec les autres. L'autre chose à comprendre, c'est que ça finit par finir, ça peut durer à peu près 100 ans et qu'on a juste une chance de bien faire. Il faut donc cultiver ses passions, ne gaspiller aucun rêve, connecter le mieux possible avec nos congénères et garder les deux pieds sur terre.
Mais malgré la place de choix qu'ils occupent dans mes préférences musicales, je n'ai pas choisi les Beatles pour bercer la clôture de cette série de lettres. J'ai plutôt pigé dans le répertoire d'une autre bibite célèbre, Bob Dylan. La chanson que j'ai choisie en est une de rupture amoureuse, mais ça n'a aucune importance, car ce vieux routier du folk a toujours dit de ceux qui cherchaient des significations profondes et précises à ses textes perdaient un peu leur temps, car en bon poète, il choisit les mots et les rimes juste en fonction de la beauté qu'il perçoit et comme pour la peinture, c'est à chacun son interprétation. La chanson est You're a Big Girl Now. (T'es une grande fille maintenant).
Mais voilà, je dois cesser de me désoler sur le chemin solitaire de la vieillesse qui nous guette. Mets le son dans le tapis et la vidéo plein écran...
18 ans, ce n'est pas une fin, c'est un commencement. Tu es une grande fille maintenant, you made it there somehow, you're a big girl now, you're a big girl all the way...
Merci Éric, pour le blog! J'ai vraiment apprécié toutes les informations et les conseils que tu m'y as donné. Même s'ils ne m'ont pas encore tous servis, j'espère avoir le temps d'aller plus me promener d'ici la fin de l'école!
RépondreEffacerLe vidéo est juste trop beau!
Merci encore pour tout le temps que tu as investi dans ce blog, ça m'a vraiment fait du bien, surtout au début, de sentir que tu étais derrière moi!!!
Vidéo très touchant!
RépondreEffacerUn abécédaire précieux et drôle. Éclaté parfois mais toujours instructif.
Merci Éric.
Rachel tes commentaires m'ont fait souvent sourire. 1/2 année déjà, je suis fière de toi!
Nancy
Quel blogue, quel vidéo!
RépondreEffacerQue tu en as de la chance de faire partie de la famille de Monia et Éric...! Je te connais pas, mais je sais que tu dois être très spéciale!
Tu es très chanceuse de pouvoir profiter des connaissances, de l'humour, de l'affection d'Éric. Moi, j'ai eu cette chance plus jeune...maintenant, il me manque beaucoup mais je le sais heureux, et bien entouré...à preuve!
J'espère que tu profites de Montréal et que les études vont bien!
J'ai été très touchée par le "z" et le vidéo, même si on ne se connaît pas. J'ai senti qu'il avait été fait avec amour pour toi...!
Bravo encore!
Éric....: Wow! et ....Je t'aime xxx