29 décembre 2014

V pour Vieux


Vieux.  Un qualificatif qui pourrait être tout indiqué pour parler de moi, mais en tout respect pour le thème urbain de ce blogue épistolaire, rassure-toi, je vais plutôt utiliser ce mot pour faire une brève présentation du Vieux-Montréal.

Vieux, c'est un de ces adjectifs qui n'auraient pas fait une longue carrière dans le langage mathématique.  Sans contexte, le mot exprime une vague notion de passé et il y a toujours un meilleur mot pour vraiment préciser ce qu'on veut dire. Une vieille voiture, ça peut être un bazou (15 ans) ou une belle d'autrefois (100 ans). Quelqu'un de vieux, ça peut être un vieux schnock (46 ans) ou un vieux sage (75 ans). Plus jeune que moi, Sergei Gonchar est un vétéran à 40 ans sur la patinoire du Centre Bell. Une vieille ville, ça peut avoir à peine 350 ans comme le Vieux-Montréal ou ça peut en avoir 4000 comme le Vieux-Jérusalem. Inévitablement, le temps fait que ce qui est neuf aujourd'hui deviendra vieux demain et si aujourd'hui, on considère que des bâtiments de 100 ou 150 ans sont "vieux", et bien dans 500 ans, probablement que ta jeune résidence et ton CEGEP auront été intégré au Vieux-Montréal tout comme le Stade Olympique (s'il tient encore debout). Où sera donc le Montréal contemporain du futur si tout est appelé à vieillir ?

On pourrait ainsi qualifier de Vieux-Montréal tout ce qui est déjà bâti. L'échangeur Turcot et le Pont Champlain, pour n'en nommer que deux, peuvent très bien s'approprier le qualificatif malgré leur jeune 50 ans. Pour l'instant, pour faire simple, on dira que le Vieux, c'est le quartier qui encercle le Vieux-Port (moins récent que l'actuel en activité un peu plus à l'est) délimité au nord par l'avenue Viger entre l'autoroute Bonaventure et la Brasserie Molson. Bien sûr, ce quadrilatère loge certains édifices plus récents que certains du campus de McGill, mais c'est le propre du vieux de vouloir se rajeunir, parles-en à Renée Zellweger...

On va faire ça dans l'ordre et parcourir les beautés du Vieux dans un itinéraire que tu pourras refaire un de ces jours de flânage (F).  Bon, là, il ne faut pas que tu t'attendes au charme vieille Europe du Vieux-Québec. Contrairement à la jolie capitale encore fortifiée qui berce fonctionnaires et parlementaires, la vigueur industrielle et commerciale de la métropole de la province a un peu bousculé le patrimoine architectural. N'empêche, on peut encore y trouver des pavés, de la vieille pierre et quelques coins très charmants.

Prochaine station: Square Victoria-OACI. En sortant sur la rue Viger, tu peux remarquer une première curiosité: C'est la seule station de métro à Montréal dont l'escalier sort directement sur le trottoir comme à New York ou Paris.  En fait, la sortie de cette station (oeuvre du Français Hector Grimard) est calquée sur le style parisien vers 1900.  Tu vas remarquer que l'environnement immédiat est plus propice aux affaires qu'aux vieilleries, mais nous y viendrons assez vite.  Si tu vas vers l'est sur Viger, tu ne pourras pas manquer la vitrine multicolore du Palais des Congrès (le nom de l'oeuvre est Translucide) qui donne sur la Place Jean-Paul Riopelle. Cet artiste est le créateur de la sculpture en fontaine au milieu du parc (La Joute).  Si c'est un soir d'été, il y a un cercle de feu autour de la sculpture (wow!). Si tu viens de gagner la loto, je vais accepter ton invitation au restaurant Toqué! situé presque en face de la fontaine (re-wow!).  Si tu t'inquiètes pour tes vieux jours, tu peux traverser le parc et tourner à droite sur St-Antoine et tu pourras te rassurer en voyant le faste de l'édifice de la Caisse de Dépôt et de Placement du Québec. C'est la caisse commune d'où sont tirées nos rentes de base à la retraite. Mais comme on cherche le Vieux, pas les vieux, repartons plutôt vers l'Est sur St-Antoine.


Déjà, tu dois te sentir un peu plus dans le Vieux. À ta gauche, la facade sud du Palais des Congrès est en pierre pour se marier au reste du quartier.  À l'horizon, tu aperçois les bureaux du journal La Presse, édifice construit en 1899. Au coin de la rue St-Urbain, tu tournes à droite sur la Côte de la Place d'Armes et deux coins de rue plus loin, tu dis wow! parce que tu arrives évidemment à la place annoncée par le nom de la rue. Il y a plus de 50 ans, c'était ici que les tramways convergeaient. Il y a plus de 300 ans, il y avait ici la première église de la ville. Il y a 3 ans, la ville a restauré la place et refait une beauté à Paul qui trône fièrement au centre de la place. Tu auras reconnu Paul de Chomedey de Maisonneuve. Il y a au nord l'édifice de la Banque de Montréal (1847) qui est calqué sur le Panthéon de Rome (IIe siècle) et au sud l'incontournable Basilique Notre-Dame (1824).  Entre, la visite vaut la peine. C'est souvent ici qu'on fait les funérailles des grands, comme Maurice Richard en 2000.


Époustouflée ? OK, on repart sur Notre-Dame vers l'ouest et on tourne à gauche au prochain coin de rue (sur St-François Xavier). J'aime bien cette rue étroite. Au milieu de la pente, un de mes bâtiments préférés, le Théâtre Centaur et ses colonnes. En bas de la rue, on aboutit à la Place d'Youville où on trouve le musée Pointe-à-Callière. De là, on remonte la rue Place Royale (on se croirait à Québec) en n'oubliant pas de faire une photo et on tourne à droite sur la rue St-Paul. On peut se rincer l'oeil dans quelques galeries d'art ou même faire une pause dans un resto, il faut juste faire attention de ne pas trébucher sur les pavés, être prudent car on est à l'envers dans un sens unique qui à mon humble avis devrait être piétonnier et finalement, il faut contourner les hordes de touristes qui achètent de l'art inuit (made in China) dans les boutiques de souvenirs assez désolantes. C'est pourquoi on tourne à gauche sur la rue St-Vincent pour remonter sur la rue Notre-Dame.

En tournant à droite sur la rue Notre-Dame, on découvre l'hôtel de ville de Montréal au prochain coin de rue et on peut admirer le plus vieux monument de Montréal (1809), la colonne de Nelson. C'est en fait la plus vieille stèle dédiée à cet amiral britannique qui est mort en héros lors de la bataille de Trafalgar qui a freiné les ardeurs de Napoléon qui ambitionnait de conquérir la Grande-Bretagne. N'eut été de cette victoire, le Canada serait peut-être redevenu une possession française, qui sait ?

Si on descend la pente qui s'offre à nous, on s'engage dans la Place Jacques-Cartier remplie d'amuseurs en été. On peut se laisser voguer jusqu'au Vieux-Port et le fleuve.  Sur les quais, on trouve le Centre des Sciences, le cinéma Imax, mais surtout une jolie promenade multi-usages (vélo, marche, patins).  Si on se dirige vers l'est, on aboutit au Bassin Bonsecours bordé par le Quai de l'Horloge, en face du Marché Bonsecours (1847). Le Marché est le quartier général des métiers d'art au Québec avec plusieurs boutiques de créateurs d'ici. En hiver, le bassin se transforme en patinoire. C'est un excellent endroit pour un premier rendez-vous galant, histoire de mieux connaître l'homme qui se cache sous l'équipement de hockey. Le galant prétendant pourrait même payer le repas Chez l'Épicier situé en face du marché, sur Saint-Paul. J'dis ça d'même...  :-)


Ça fait déjà toute une trotte, alors on va remonter la rue Bonsecours pour photographier la Chapelle Notre-Dame de Bonsecours.  Ici tout est de bon secours, même l'Accueil Bonneau, situé tout près sur la rue de la Commune. On tourne à gauche sur la rue Champ-de-Mars et sur la rue Gosford, le M bleu de la ligne orange nous accueille pour qu'on puisse retourner à la maison après un peu plus de 3 km sur nos espadrilles.



J'ai bien aimé tricoté le V autour de cette marche là, mais la fin de l'alphabet me donne du fil à retordre pour la suite. W, X, Y, Z.  J'ignore encore le prochain mot, mais il vaudra sûrement plusieurs points au Scrabble...


06 décembre 2014

U pour Université



Université.  Tel qu'annoncé au T, je poursuis sur le thème des établissements de savoir post-collégial. Dans la rubrique A pour Anglais, j'ai évoqué la propension des riches à s'approprier les terrains élevés comme la montagne. On remarque qu'à Montréal, les universités, du moins les plus anciennes, se concentrent surtout à l'ouest du centre-ville, blotties sur la montagne. Serait-ce un vestige des temps anciens quand le savoir émanait de la richesse ? Que ce soit le cas ou non, ce qu'on souhaite pour notre société actuelle c'est parfaitement l'inverse: que la richesse émane du savoir.

Je cite rarement mon père, mais il m'a laissé deux conseils inoubliables. Il m'a dit: "Fais ce que tu veux dans la vie, mais ne laisse pas des p'tits Paradis à 'traîne" et "Ne confonds jamais Instruction et Éducation". Du premier conseil, j'ai retenu qu'il tenait à ce que je m'occupe de sa descendance si jamais je me reproduisais (quelle que soit la circonstance). Du deuxième, je retiens que ce n'est pas un diplôme qui apprend le savoir-vivre.  Mon père était issu de cette génération qui s'est affranchie d'une classe dirigeante en soutane, en redingote et en anglais où la notoriété occultait l'intelligence, la justice et le bon sens. La sagesse du père reflétait bien ce combat. L'ouvrier n'a pas à baisser la tête devant le docteur, le notaire, le banquier, l'ingénieur.

Un diplôme universitaire, ça peut certes aider à construire la pensée, apprendre à apprendre, résoudre des problèmes, donner les bases d'une profession, éveiller une culture générale, permettre de fonctionner en entreprise, mais formation universitaire n'égale pas nécessairement créativité, compassion, empathie, intelligence et vivacité d'esprit.  Des choses qui ne s'apprennent pas tant à l'école sur la montagne, mais surtout à l'école de la famille, de l'amitié, de la glace, de la vie. Ah, la glace, là je savais que je capterais ton attention... 

Va pour l'éducation, je ne suis pas en peine pour toi. Il n'en demeure pas moins que le savoir, c'est la
clé de bien des serrures et je souhaite au plus profond de moi que tu sèmes un jour les graines de ta vive intelligence dans le terreau d'une université où qu'elle soit.  Prenons tremplin sur la l'entrée de blogue précédente (T) et montons dans le métro pour visiter chacune des meilleures facultés de la grande ville.

C'est donc b'en long avant que t'arrives... C'est sûr qu'il faut que tu marches un kilomètre pour arriver à la station Angrignon.  Allons-y! On reste sur la ligne verte, on change à Lionel-Groulx pour la ligne orange, direction Côte-Vertu et on change encore pour la ligne bleue rendu à Snowdon.  Tu me voies venir, on descend à la station Université de Montréal. Quand tu sors de là et que tu montes la grande escalier, tu te rends compte que tu as pris de l'altitude. B'en oui, l'Université de Montréal est sur le Mont Royal, sur le flanc nord et tu remarqueras maintenant sa grande tour à chaque fois que tu passeras dans ce coin-là.

C'est un peu compliqué, mais l'Université de Montréal prend son origine de l'Université Laval (à Québec), l'alma mater de ton père et ta mère. L'université Laval, qui est la plus ancienne université au Québec, était à l'origine un établissement catholique sous la gouverne ultime du pape (!) et il se sont parti une succursale à Montréal. Laval et Montréal ont séparé leur destinée quand le gouvernement a donné un statut et une autonomie à chaque établissement dans une loi au début du 20e siècle. Le lien clérical a fini par disparaître, un recteur remplaçant le monseigneur, laïcisant graduellement l'enseignement. Rendons grâce, mais rendons tout de même hommage aux religieux qui ont crée ces établissements essentiels à la croissance de la province et du pays.


En nombre d'étudiants, l'UdeM est la plus grande université au Québec. Il faut dire que c'est un établissement à plusieurs têtes en comptant les Hautes Études Commerciales (HEC). la Polytechnique et l'hôpital universitaire (CHUM).  En plus de l'administration des affaires (HEC) et de l'ingénierie (Poly), je considère que c'est une université de choix pour tout ce qui touche les sciences et techniques, mais juste pour me faire mentir, pas moins de 11 premiers-ministres du Québec en sont diplômés, et on sait que la plupart des politiciens sont des diplômés de droit et de sciences sociales en général. Quoiqu'on semble avoir un faible pour les médecins pour nous diriger ces temps-ci. Parmi les autres diplômés célèbres de l'UdeM, on compte le cinéaste Denys Arcand, l'inénarrable commentateur politique Mathieu Bock-Côté, le physicien sympathique Hubert Reeves, la physio Monia Pelletier, Sylvain Michel (informatique) et Eric Paradis (HEC). Comme tu vois, c'est très varié comme clientèle, ce qui démontre l'étendue des programmes, mais il ne faut surtout pas conclure qu'ils sont meilleurs en physique qu'en informatique.  ;-)
Les équipes sportives de cette université prennent le nom de Carabins. Ce qui me permet de recycler ma vieille joke plate que si tu joues un jour au hockey universitaire à l'UdeM, tu seras une carabine.  Les "Carabines" sont très compétitives dans le réseau universitaire et dominent le classement de cette session d'automne. Le football fait aussi rayonner l'université. Récemment, l'équipe de football des Carabins a mis fin à la suprématie du Rouge et Or de Laval en remportant la finale québécoise et la Coupe Vanier (Canada) par la suite, ce qui contribue d'autant plus à sa réputation.

Parlant de carabine dans un sens moins joyeux, on souligne ces jours-ci le scabreux anniversaire des 25 ans de la tuerie de Polytechnique (14 femmes abattues) qui met en évidence trois fléaux toujours actuels dans notre société: la misogynie, la libre circulation des armes à feu semi-automatiques et le manque de ressources en santé mentale. Au chapitre de la misogynie, c'est triste, mais en tant que femme, même en 2014, tu devras toujours faire preuve de beaucoup de persévérance dans des situations où certains hommes se croient encore supérieurs, même de façon inconsciente. Et de grâce, malgré tous mes appels à la tolérance, ne tolère jamais qu'on te fasse violence et redouble d'intolérance si on te brime sur la seule base que tu es une femme. Sur ces notes funestes, on remonte dans le métro.  Sur la ligne bleue, on revient sur Snowdon, sur la ligne orange, on revient à Lionel-Groulx et cette fois on prend la ligne verte, direction Honoré-Beaugrand et on descend à Guy-Concordia.


Quand j'étais jeune, cette station de métro s'appelait Guy tout court, mais il y a eu une vague de changements de nom, probablement motivée par les universités qui jalousaient McGill et l'UdeM qui avaient leur station propre. Concordia, très près de McGill, notre prochain arrêt, est considéré une université anglophone, malgré qu'il y ait aussi des cours en français.  Son campus est coupé en deux, comme elle est la résultante d'une fusion de deux collèges (Loyola et Sir Georges William). D'ailleurs, en arrêtant à Guy-Concordia, on se trouve sur le campus de Sir-Georges. Le campus Loyola, lui, est situé plus au nord-ouest, on aurait pu y faire un arrêt, mais je n'avais pas le goût de descendre à la station Vendôme et on n'a pas toute la journée.

Les deux collèges originaux datent du début de 20e siècle, mais Concordia ne fût fondé qu'en 1974, ce qui fait qu'elle n'a pas vraiment encore eu le temps de se forger une histoire bien à elle. Bien qu'il y ait des facultés de gestion et de sciences, je l'associe beaucoup aux arts comme la littérature et le cinéma.  Peut-être parce que Pascale Bussières (actrice) et Régine Chassagne (Arcade Fire) y ont étudié et que l'auteure Margaret Atwood y a enseigné (au Collège Sir Georges). Une équipe de hockey féminin fait aussi la fierté de Concordia, les Stingers. Qui sait, tu deviendras peut-être une piquante (ou est-ce le shooter) ? 

Cesse de rêver, on continue notre visite. Ah, p'is on ne prendra pas le métro, on va descendre sur Ste-Catherine, marcher vers l'est en déjouant les milliers de lécheurs de vitrines jusqu'à la rue McGill College. On se tourne vers le nord pour un des plus beaux coups d'oeil dans la ville avec le campus de McGill qui se laisse découvrir juste au bout de la rue avec la montagne en arrière-plan.


Mcgill, c'est l'âme anglophone de Montréal. Magnifique campus avec ses bâtiments ancestraux et ses dépendances comme le stade Percival Molson, le musée Redpath et l'Institut de Neurologie sur le flanc de la montagne, cet ensemble transcende sa beauté tranquille par une réputation solide dans le monde.  C'est considéré une des meilleurs écoles au Canada.  Le MBA (Maîtrise en Administration des Affaires) a acquis un statut presqu'équivalent à celui de Harvard, surtout en tenant compte du rapport qualité/prix.  Plusieurs Ontariens s'obstineraient que Queen's est bien meilleur, les joueuses des Stingers défendraient l'école de gestion John Molson (Concordia), mais hors du Canada, c'est de loin McGill qui est la plus renommée. Et pas qu'en gestion, c'est aussi un excellent centre de sciences médicales (CUSM), d'ingénierie et de droit.

Dans les gens célèbres associés à McGill, on trouve le fameux Docteur Penfield (Q) qui a fondé l'Institut de Neuro, l'auteur-compositeur Leonard Cohen, feu Jack Layton et son successeur Thomas Mulcair, Céline Galipeau la chef de pupitre du Téléjournal, Henri Minzberg un gourou de la gestion moderne, Hubert Reeves (encore lui), Mathieu Darche, Kim St-Pierre et Charline Labonté.  Pour les trois derniers, tu devines qu'ils ne sont pas dans la liste pour leur talent en physique mécanique. Au volet sports, les porte-couleurs masculins de Mcgill sont les Redmen, alors que les filles prennent le nom de Martlets.  Les Martlets sont célèbres pour leur saison parfaite de 33-0 en 2007-2008, un record universitaire nord-américain.

Prochaine station, Berri-UQAM. Ah, une autre station qui a modifié son nom depuis que j'ai les cheveux gris.  Elle s'appelait Berri-de-Montigny avant.  De Montigny, c'est l'ancien nom du Boulevard Maisonneuve. Peu se rappellent c'est qui De Montigny, mais même plusieurs toponymiques ignorent d'où vient le nom Berri. Dire qu'on cherche encore qu'est-ce qu'on pourrait bien nommer en l'honneur de Maurice Richard sans déshonorer la mémoire d'un autre. Je pense que personne ne pleurerait la disparition du vocable Berri. Mais on s'égare. On sort au coin Maisonneuve-Berri et on trouve quelques bâtiments intégrés au tissu urbain qui forment le campus éclaté de l'UQAM, la 4e université de Montréal. Je dis 4e, même si créée l'année de ma naissance (1968) elle est antérieure à Concordia (1974), comme les composantes qui ont formé cette dernière existaient déjà. C'est le gouvernement du Québec qui dans la foulée de la modernisation de notre système scolaire (qui mène aussi à la création des CEGEPs) instaure une alternative publique aux autres universités (dont McGill et Bishop qui sont anglophones) et une présence en région.


L'UQAM est donc le campus montréalais associée aux autres composantes du réseau (Trois-Rivières, Outaouais, Chicoutimi, Rimouski).  L'ENAP (administration publique), L'ÉTS (excellente école d'ingénierie) et TELUQ (école en ligne) font aussi parti de la famille de l'UQ. L'UQAM en particulier est très versée en sciences sociales et on l'associe souvent au courant de la gauche urbaine (genre Québec Solidaire). Plusieurs journalistes en sont diplômés, mais c'est son volet communication qui fait le plus jaser. Tu pourrais facilement m'entendre dire une énormité comme: "Si tu coules tes cours de sciences et de mathématiques et que tous les diplômes contingentés finissent par être inaccessibles pour toi, b'en au pire, tu te contenteras de Communication à l'UQAM".  Blague à part, ce diplôme en communication nous a tout de même donné beaucoup de chroniqueurs télé et bien sûr les RBO avec l'incontournable Guy A Lepage. Malgré la formation de tous ces libres penseurs, Luc Picard, Léa Pool, Léo-Paul Lauzon, etc, etc, il n'en demeure pas moins qu'il y a un regard de haut des autres universités envers l'UQ. Mais au final, tu sais comme moi que ce n'est pas tant l'université que l'universitaire qui pèse lourd dans l'équation de la réussite. Cela dit, ce n'est jamais mauvais que notre nom soit associé à la bonne réputation d'une bannière et c'est pourquoi on redescend dans le métro, ligne jaune, direction Longueuil-Université de Sherbrooke.

L'Université de Sherbrooke ? Mais alors qu'est-ce qu'on glande à Longueuil ? Rassure-toi, le vrai campus de l'UdeS est bel et bien à Sherbrooke. C'est juste que les universités sont surtout financées à la hauteur de leur niveau de clientèle. Qui dit clientèle dit territoire et les universités se sont mises à construire des campus à qui mieux-mieux hors de leur région originale. Je pense personnellement que cet investissement en brique et mortier à l'extérieur de leur territoire est un éparpillement inutile et aurait mieux été investi dans la recherche et la qualité d'enseignement, mais bon. Toutes les universités ont un peu fait ça. Ainsi, en Argentine, on a rencontré une fille de Québec qui a fait son Bac en Enseignement à l'Université du Québec à Rimouski à Lévis. Faut le faire.


L'université de Sherbrooke fut très novatrice avec ses programmes coopératifs qui permet aux étudiants de faire plusieurs stages rémunérés en entreprise pendant les études universitaires. Plusieurs universités ont emboîté le pas dans ce concept à la fois favorable aux étudiants qui cumulent rapidement de bonnes expériences de travail et aux entreprises qui peuvent faire une pré-sélection de futurs employés tout en récoltant les fruits du travail motivé de ces étudiants. L'Université a un excellent programme de médecine (CHUS) et autres disciplines de la santé, comme l'ergothérapie - un peu grâce à ta maman, mais on y forme aussi de bons ingénieurs, des avocats, de futurs dirigeants et bien sûr des informaticiens hors-pair.  Célèbrement issus de l'UdeS, on compte Laurent Beaudoin (Bombardier), Raymond Royer (Domtar), Paul Gobeil (Métro), Normand Legault (ancien président du GP du Canada), Jean-René Dufort (Infoman), Jean Charest, Vincent Vallières, Juge Julie Beauchesne, Marc Hébert et Eric Paradis.

Oui, bien sûr, nous voilà sur la rive-sud à parler d'une université qui n'est même pas sur le territoire de Montréal, alors que c'était l'objectif premier.  Que veux-tu, on garde un attachement particulier à l'école qui représente le creuset final de notre cheminement vers une carrière professionnelle et il était trop tentant de mettre en scène l'Université de Sherbrooke.

À cet âge numérique où les grandes universités ouvrent les portes virtuelles de leur établissement en offrant leurs cours en ligne, que presque toute la connaissance du monde a été numérisé et est accessible au bout de nos doigts sur la toile, l'endroit où on va étudier va devenir de plus en plus secondaire. Le plus important est probablement de se donner un objectif professionnel, trouver les bons guides et se discipliner pour y parvenir et en profiter pour acquérir une bonne dose de culture générale. J'ose croire que les meilleures écoles seront celles qui pourront s'adapter pour offrir l'environnement qui convient le mieux à ces nouvelles réalités d'apprentissage. 

Oui, oui, je l'savais que t'allais dire ça.  OK, oui, c'est vrai, ça prend aussi un bon programme de hockey féminin...  :-)  On se reparle rendu à V, ma belle muse.


30 novembre 2014

T pour Transport


Transport. J'ai effleuré le sujet lorsque j'ai décrit le réseau routier dans la rubrique (D) Détour.  Mais comme tu n'as pas encore de voiture, tu risques de manipuler une carte Opus plus souvent qu'une pompe à essence, si tu veux t'aventurer hors de ton arrondissement. Ce serait donc logique de parler de transport en commun, mais comme tu restes très près du métro et que c'est ton contact le plus près avec le réseau de transport de l'ile, c'est tout indiqué de développer sur ce train souterrain, surtout que de parler d'autobus, ça ne me dit rien.

Si tu regardes une carte du métro, ça saute aux yeux qu'on a associé chaque ligne à une couleur. On parle de la ligne orange, la ligne verte, etc. Ça facilite l'identification visuelle des lignes et des stations.  Ça a même inspiré la STM à brièvement considérer associer des commandites à ces couleurs pour remplir les coffres.  Ainsi, (à titre d'exemple - on n'avait nommé aucune compagnie) on aurait pu avoir la ligne Tangerine (Orange), la ligne Desjardins (Vert), la ligne IBM (Bleue), etc, mais l'idée a rebuté plusieurs décideurs.  C'est sûr que ça aurait été moins poétique que la ligne Boomerang (Orange), la ligne Stars (Vert), la ligne Maple-Leafs (Bleue) et la ligne Bruins (Jaune), sans compter l'évidente incitation au vandalisme dans cette dernière solution.  L'utilisation des couleurs pour les lignes sont un artifice résiduel qui n'était pas au premier plan à l'origine du réseau.  Avant qu'on réalise que les couleurs sont un moyen mnémonique incontournable qui s'est imposé à l'usage, les anciennes cartes du métro (genre quand j'avais ton âge) utilisaient la numérotation originale pour identifier les lignes. On a donc la ligne 1 (verte), 2 (orange), 4 (jaune) et 5 (bleue).

1-2-4-5. Ça m'a longtemps chicoté qu'il n'y avait pas de ligne 3.  La ligne 3 était sur les plans initiaux.  Si elle avait été complétée, elle relierait le nord et le sud de l'ile dans l'axe central entre les deux branches du U de la ligne orange.  Cette ligne rouge aurait été construite au prix de négociations avec des villes comme Mont-Royal et Outremont (encore une ville séparée à l'époque), elle aurait été sur rail (et non sur pneumatique comme le reste du métro) et elle aurait été en plein-air sur une grande portion. Ces rails qui passent dans un tunnel sous le Mont-Royal sont aujourd'hui utilisées par le train de banlieue qui mène à Deux-Montagnes.  Je ne pense pas que la ligne 3 se réalise de mon vivant, malgré que le transport en commun ait besoin d'un sérieux investissement dans notre métropole.



Comme tu as pu le voir à New York. le transport souterrain est loin d'être unique à Montréal et d'aucuns diront qu'un train souterrain en vaut bien un autre et qu'ils se ressemblent tous. On ne détrônera jamais Stockholm qui a fait de son métro une galerie d'art spectaculaire, mais Montréal a ses particularités et ses charmes même dans les entrailles de son métro en manque d'entretien. Sur ses pneumatiques, le métro de Montréal est plus silencieux et confortable que plusieurs autres systèmes sur rail comme NewYork, Londres ou Toronto. Il faut dire qu'il est relativement récent avec son inauguration en 1966. Il faut croire que cette époque était faste pour l'art urbain, car la conception de chaque station est unique, chacune ayant été confiée à un architecte différent. C'est sûr que dans l'état de relatif délabrement des infrastructures locales, c'est plus difficile à apprécier et plusieurs stations auraient besoin d'un bon rafraîchissement, mais l'effort de design est encore bien visible. Il faut avoir pris le métro à Toronto avec ses stations qui sont presque tous décorées en tuiles de salles de bain style 1945 pour apprécier pleinement le design unique des stations de Montréal. En particulier, les stations Place-des-Arts, Papineau et Champ-de-Mars contiennent des oeuvres audacieuses, la station Lionel-Groulx donne un peu le vertige avec ses étages ouverts et son arbre de vie et enfin la station Namur est reconnue par les spécialistes comme une des plus belles dans le monde.
Station Namur
Station Champ-de-Mars
Station Papineau


En plus de la facture visuelle, Montréal accueille les musiciens entre les murs du métro.  Les emplacements sont identifiés par des pictogrammes de lyres.  Ce sont les artistes qui s'auto-organisent pour l'horaire d'utilisation.  Ce ne sont pas toujours des virtuoses, mais ça égaye ces longs couloirs de béton avec une texture sonore.  Les rames ne sont pas en reste pour l'ambiance sonore. Il n'y a pas de musique proprement dite dans les wagons, mais une voix enregistrée ponctue les arrivées à chaque station, alors que plusieurs systèmes dans le monde utilisent plutôt une voix de synthèse. À Montréal, c'est la voix de Michèle Deslauriers. Tu ne la replaces probablement pas, mais elle a fait rire ton père et la plupart de tes oncles et tantes à Samedi de Rire, une émission qui passait avant la Soirée du Hockey quand on était ado. Tu connais probablement mieux sa fille, Caroline Dhavernas qui joue dans des séries américaines (mais pas beaucoup dans le métro).

Si tu montes assez souvent dans ce train bleu, le son particulier et unique de son moteur restera gravé en toi pour toujours.  Le crescendo de trois notes du décollage audible autant à l'intérieur du wagon que sur le quai est inoubliable.  Ce dou-dou-dou avait été escamoté après une mise à jour sur certains trains et les plaintes du public ont eu raison de la STM qui a dû faire en sorte de le reproduire de façon synthétique pour rassurer les usagers.  Reste à voir si les nouvelles voitures prévues pour 2016 perpétueront cette courte mélodie électromécanique.

Le réseau du métro se complète au centre-ville par la ville souterraine qu'on appelle RESO. Pour les habitués, c'est pris pour acquis, mais pour certains touristes c'est une attraction au point qu'on le mentionne sur les cartes touristiques.  Ce fascinant réseau pas vraiment planifié s'est construit petit à petit en reliant les étages souterrains des établissements du centre-ville et plusieurs tunnels utilisés pour véhiculer les usagers du métro.  Présentement, ce réseau totalise plus de 30 km. Il t'est donc possible, sans utiliser le métro, de partir de la Place des Arts et de pénétrer dans le Palais des Congrès sans jamais mettre le nez dehors.  Le même exercice est possible du Musée McCord au Centre Bell.  Bon, ça demande un peu de temps pour maîtriser les multiples passages et racoins de ce réseau, mais j'imagine qu'à -25C, ça vaut probablement le coût.


Garçon du Québec profond, le métro m'a toujours attiré.  Jeune marmot, j'ai creusé pas mal de trous avec mes camions-jouets Tonka. L'hiver, j'adorais qu'on puisse faire un tunnel dans nos forts de neige.  Quand je suis arrivé en ville, ça m'a toujours fasciné de pouvoir parcourir de longues distances sous la terre dans un ascenseur horizontal, comme dans Cosmos 1999 (une autre affaire qu'on regardait avant la Soirée du Hockey).  Cet intérêt pour ce réseau de tunnels doit avoir une parenté avec ma fascination pour les routes et les cartes routières. J'ai donc rapidement complété mon orientation dans Montréal avec la carte du métro. Évidemment, comme tu me connais bien, tu ne seras pas surpris que la nomenclature complète des stations est inscrite à jamais dans le bon ordre dans mon coco et que je peux te dessiner par coeur une carte exhaustive du métro. Ça réside à côté d'un paquet d'autres informations agréablement inutiles.

En étudiant juste un peu cette carte du métro, tu réaliseras vite (sans même utiliser le coefficient de frottement si utile à ta physique mécanique et ta vitesse d'entrée en zone adverse) qu'il relie toutes les universités montréalaises et que chacune à sa station, même l'Université de Sherbrooke (!).  Mais on va arrêter ici, parce que comme tu l'avais deviné, le U à venir servira de prétexte pour discuter des établissements de haut-savoir.




21 octobre 2014

S pour Street-Wise




Street-Wise.  Dans la vie, il y a deux écoles de pensée.  Il y a ceux qui croient qu'il y a deux écoles de pensée et les autres.  Hmm, c'est, comment dire, une lapalissade glissante récursive. Dans le même ordre d'idées, on pourrait aussi dire qu'il y a deux types de voyageurs: ceux qui assument les risques en voyageant quand même et ceux qui ne voyagent pas.

Expliquer comment être street-wise, c'est s'engager dans des contradictions circulaires sans issue. Définissons d'abord cette expression anglophone: Être street-wise, c'est avoir les habiletés nécessaires à la survie dans un environnement urbain souvent hostile et parfois criminel. Ça implique donc que si on est assez fort pour s'estimer street-wise, on devrait être assez wise pour ne pas se mettre dans une situation qui demande d'utiliser ses habiletés de street-wise, en prenant pour acquis que la ville n'est pas constamment hostile. Une autre impasse logique: quiconque est street-wise n'a pas besoin de l'être ? Mais d'aucuns diraient qu'il y a ici une faille importante de raisonnement, arguant que les meilleures personnes pour se sortir du trouble sont bien ceux qui sont champions pour s'y enfoncer constamment. C'est très Darwinien.





Toute la notion de "survie urbaine" repose sur le danger potentiel associé à une situation donnée. Tout est évidemment relatif, basé sur l'expérience passée et la capacité d'identification d'un risque. Et le risque réel, il ne vient pas de la ruelle, de la noirceur ou du quartier, mais bien évidemment de l'humain. Il n'en demeure pas moins que je t'ai déjà dit de prendre pour acquis qu'a priori la grande majorité des gens sont de bonne foi. Je t'ai même enjoint de faire l'effort de présenter ton plus beau sourire aux itinérants. Me revoici dans le noeud coulant de la contradiction. On ne s'en sort pas.




Même avec la meilleure volonté et un excellent jugement, il est parfois difficile de faire la part des choses. En stage à Toronto à l'hiver 88, je passais mes samedis matins au planétarium où je faisais un cours de fabrication de télescopes. Ça s'est surtout résumé à fabriquer un miroir sphérique en manque de parabole. Un de ces matins en traversant le parc à pied pour me rendre au planétarium, une dame s'est mise à crier à l'aide. Elle hurlait qu'elle avait glissé sur le trottoir glacé et qu'elle s'était probablement cassé quelque chose. Elle était assez loin, assez pour l'entendre, mais pas assez pour la voir clairement. J'ai décidé de passer mon chemin, car j'avais entendu à la radio que des gangs piègeaient d'honnêtes gens de cette façon. Mais j'avais plus (trop) tard réalisé qu'à cette heure matinale, c'était peu probable que ce fût un cas d'arnaque. C'est la peur injustifiée qui m'a empêché d'aider une dame blessée, malgré mon grand coeur. Quelques jours plus tard, j'ai perdu connaissance dans l'appartement. Quand je suis revenu à moi, j'étais étendu dans le couloir sans pouvoir me relever seul. Je me suis mis à appeler à l'aide en vain mon coloc qui ronflait comme une locomotive. Juste retour des choses.

Dans ce même séjour dans la métropole ontarienne, il m'arrivait de quitter le centre-ville assez tard le weekend et j'avais appris plus tard que le Centre Eaton où je passais souvent était souvent le théâtre d'attaques et de bagarres autour de mes heures de fréquentation. Je n'ai jamais eu de problèmes, mais c'est sûr qu'avec mon gabarit, j'ai moins à craindre qu'une jeune et jolie blonde sans défense (tu joues à l'avant... défense... la pognes-tu ?).

Il ne faut surtout pas que tu commences à t'inquiéter de tous les malheurs urbains qui pourraient t'accabler. Mais une fille avertie en vaut deux et à deux, on se défend mieux que seule. C'est le contexte et l'environnement qui allument habituellement les signaux pour se mettre en mode vigilance.

Première leçon donc: quand tu cherches le trouble, tu ne cherches habituellement pas très longtemps et c'est lui qui te trouve. Il y a les évidences qu'il n'est pas vraiment nécessaire de t'expliquer longtemps et que tu évites déjà naturellement comme de se trouver seule dans un parc à la noirceur, prendre un raccourci dans un coin sombre, accepter un lift d'un pur inconnu, étaler ta richesse au grand jour ou marcher en zone risquée la face dans ton téléphone. Dans certains quartiers, il n'est pas vraiment nécessaire d'attendre la noirceur pour les éviter. Montréal-Nord, Saint-Michel et le sud de Hochelaga-Maisonneuve sont peu recommandables en tout temps. Si tu remarques des condoms et des seringues qui jonchent le sol, c'est que tu es plus près de Breaking Bad que de Beautés Désespérées. Si t'as pas affaires là, b'en ne pas y aller est une excellente démonstration de street-wiserie.

Quand le risque est plus élevé, se promener en groupe peut être perçu comme un bon rempart contre les pièges urbains et c'est souvent le cas. Or, tu découvriras vite que le QI collectif s'amenuise en proportion du nombre. Le grégarisme a tendance à nous rendre un peu plus cave et il est sage de toujours se demander si on ferait les mêmes gestes ou si on prendrait les mêmes risques laissé à soi-même. Rappelle-toi toujours votre dernier déménagement quand Patrick, Michael et moi (pourtant trois individus d'intelligence supérieure) avons enlisé le camion dans la boue sans jamais soulever le moindre doute sur la fermeté de la surface et le chemin pour ressortir.



L'insu est aussi un grand fléau qui nous arrive quand on ne s'en attend pas. Le plus grand problème avec l'insu, au contraire du su, c'est qu'on ne sait pas qu'il nous a frappé. Si tu laisses ton verre sans surveillance un moment dans un party, l'insu pourrait y verser des substances dans un dessein malveillant. C'est le genre d'affaires qui n'arrive pas aux laiderons, alors quand tu quittes ton verre, ma belle, n'y reviens jamais. De toute façon, si tu tiens le moindrement de ta mère, tu risques de finir par boire dans le verre d'un autre, ce qui n'est pas dénué de risques non plus (en provenance du contenu du verre ou de la réaction du propriétaire de l'objet).




Je ne veux surtout pas te convaincre de tous les dangers. Je ne voudrais pas que tu deviennes quelqu'un qui a peur d'avoir peur en ville. On ne choisit pas toujours le contexte ou les circonstances et tu seras tôt ou tard confrontée à une situation risquée et tu devras faire face. Là, c'est l'attitude qui doit primer, comme quand tu sautes sur la glace. Imagine que tu doives prendre la mise au jeu devant une redoutable goonette de 30 cm de plus que toi. Si en croisant ton regard, elle sent que tu es le moindrement intimidée, elle va t'avaler tout rond. Tu dois dire à ta face de faire comme si tu en avais vu bien d'autres avant et convaincre le reste de ton corps que tu n'as pas à céder un pouce (du moins jusqu'à ce que la rondelle tombe). C'est la même chose au terminus d'autobus à la station Berri. J'ai déjà lu que le temps de liberté d'une jeune fugueuse désoeuvrée à cet endroit était très court, vu la vitesse à laquelle les gangs de rue savent reconnaître les jeunes vulnérable. Ainsi, si tu t'y retrouves là (ou ailleurs de pas rassurant), ne t'assois pas peinarde avec ta face tristounette. N'aie jamais l'air perdue, marche avec détermination. Prends ta face rassurée - peut être même un peu baveuse - de celle qui sait où elle s'en va. Tu dois pratiquer cette face là absolument pour quand tu en auras besoin: c'est meilleur qu'un cours d'autodéfense. Si on t'aborde quand même, ta réponse gagnante est "Je l'sais" toujours en ne trahissant pas ta face. "Je l'sais" est toujours dans les premières expressions que j'apprends dans la langue du pays que je visite.

Il ne faut surtout pas perdre ton beau sourire et continuer de considérer que la grande majorité des gens sont sympathiques envers les autres. Reste vigilante, garde la tête haute et pratique bien tes faces (même sous ton casque)


05 octobre 2014

R pour Relique

Relique.  Un drôle de mot pour parler du religieux. Ce vocable qui évoque le restant de saint, le morceau d'ADN momifié et faisandé pour la perpétuité entre dans la même catégorie macabre et mystique que crypte, catacombes, stigmates, columbarium, linceul ou ossuaire.

D'aucuns diront que je dois être le pire candidat pour parler de ce sujet, moi l'athée, catholique défroqué, apostasié en bonne et due forme. Mais sache que plusieurs années d'exposition au rituel comme lecteur à la grand-messe du dimanche ont imprimé beaucoup de ritournelles dans l'hémisphère droit de mon encéphale grouillant de vieilleries. Je peux réciter des grands bouts de la messe catholique sans trop y penser. Il n'est pas rare qu'en vélo, en descendant une pente à 55 km/h, j'entonne spontanément: "Il est grand le mystère de la foi, nous proclamons...". Il m'arrive aussi de répondre tout bas à mon interlocuteur "et avec votre esprit" quand le rythme du dialogue s'y prête. Mais il m'arrive aussi de dire "Bonne épicerie" aux gens qui me disent au revoir à la fin de la journée de travail.

Oratoire Saint-Joseph

Quel rapport avec Montréal ? Eh bien, la métropole québécoise a déjà fièrement porté sa désignation de ville aux 100 clochers, malgré qu'aujourd'hui plusieurs de ses temples chrétiens soient en voie de disparaître par manque de fidèles ou de vie paroissiale. Il reste encore un bon nombre de ces clochers qui sont encore debout et dominant ceux-ci, un grand dôme à l'ouest de la montagne que tu as sûrement remarqué, celui de l'Oratoire Saint-Joseph.

Claude Poirier
Construit par étape pendant le 20e siècle, l'Oratoire est un des plus beaux monuments religieux de la ville. Indissociable du monument, le Frère André (Alfred Bessette) a construit une première chapelle en 1904 qui fut ensuite agrandie successivement. Ce Frère André, lui même frêle et malade, a beaucoup oeuvré auprès des pauvres et des malades au point où certains lui attribuèrent des guérisons. Autre occasion d'apprendre un nouveau mot, sache que la job de guérisseur par la voie du miracle s'appelle thaumaturge. Quand il est décédé en 1937, il était célèbre pour ses dons de guérisseur, on sépara donc son coeur de son corps (!). Son corps est inhumé dans un cercueil de marbre et son coeur conservé comme une relique que les gens ont pu contempler à l'Oratoire jusqu'à son vol (!) en 1973. Le coeur fut récupéré en 1974 grâce à l'aide de Claude Poirier (Le Négociateur) et est maintenant conservé dans un endroit secret du monument.

Catherine de Sienne
L'histoire ne dit pas si la dépouille du Frère est demeurée intacte de par sa sainteté, mais n'est-ce pas barbare de détacher le coeur du corps pour une adoration posthume ? Dans un voyage en Italie, j'avais été sidéré d'apprendre (et de voir) que la tête de Sainte-Catherine-de-Sienne avait été séparée du reste de son corps: La tête à Sienne et le corps à Rome. B'en là ! Mais dans la catégorie relique, la palme revient au Palais Topkapi à Istanbul où on prétend nous montrer (sans rire) le bol d'Abraham, le bâton de Moïse, le turban de Joseph, l'épée de David, le crâne de Jean-Baptiste, la barbe, une dent et l'empreinte de pied de Mahomet dans la pierre. Très crédible. Déjà que je serais incrédule si quelqu'un essayait de me faire avaler que son chandail du CH a déjà été porté par Guy Lafleur dans une finale de la Coupe. Je pense que le symbole de la relique revêt plus d'importance que son origine réelle. Un peu, beaucoup comme l'effet placebo en médecine.
 
Après des enquêtes minutieuses par l'Église, le Frère André a été béatifié en 1982 par Jean-Paul II et canonisé en 2010 par Benoit XVI.  Les saints, c'est compliqué, mais c'est un peu comme au hockey.  Une béatification, c'est comme être repêché junior et la canonisation, c'est comme faire le grand club. On dit donc Saint-Frère André depuis 2010.

J'ai ce paradoxe qui m'habite.  Athée, j'ai peine à croire qu'on ait investi autant d'énergie dans la construction de grands temples religieux, alors que souvent, particulièrement dans les paroisses canadiennes-françaises, les fidèles qui l'ont financé vivaient pour la plupart dans la misère au quotidien.  Il est difficile d'accepter le faste de Saint-Pierre-de-Rome et la grande richesse du Vatican sachant que cet ordre ecclésiastique perpétue la tradition de Jésus et des apôtres, modestes itinérants en sandales qui décriaient l'accumulation de richesse matérielle.  Or, il m'est difficile d'imaginer la ville (et le reste du monde) sans ces manifestations architecturales gigantesques, leur baroque symétrie et leurs flèches de clochers qui pointent vers le ciel.  Sans ces édifices religieux, même les grands mécréants cartésiens comme moi trouveraient que le paysage urbain est drabe et sans âme.

Basilique Saint-Pierre de Rome
J'adore donc l'Oratoire pour sa simplicité et sa sobriété.  Les colonnes et la pierre qui l'habitent respirent la paix.  C'est un excellent endroit pour se recueillir ou se calmer le pompon, quelles que soient tes convictions.  Tu peux aussi faire comme plusieurs pèlerins et monter les marches à genou, cependant, je te conseille de mettre tes jambières de hockey avant de faire ça si tu veux continuer ta carrière sportive. Assise dans ce havre paisible et silencieux, il te sera difficile d'imaginer que le groupe rock Offenbach y a présenté un spectacle en 1972, un genre de messe des morts avec du chant grégorien et de la guitare électrique.  Heureusement, ils n'avaient pas encore intégré leur répertoire plus irrévérencieux des années qui suivirent (Tabarnac, Mes Blues passent p'us dans porte, Deux autres bières, Ayoye...)

Dans le paysage de Montréal, plusieurs autres temples sont dignes de mention. Entre autres:

  • Basilique Notre-Dame - La Basilique Notre-Dame est située à la Place d'Armes devant la statue de Paul Chomedey de Maisonneuve.  On y a déjà assisté à une présentation du Messie de Haendel.  Il y a un magnifique orgue Casavant, de belles boiseries et des dorures en feuilles d'or.

  • Cathédrale Marie-Reine-du-Monde - D'un point de vue architectural, c'est une réplique de Saint-Pierre-de-Rome à l'échelle 1/3.  Une bonne façon de remettre un voyage au Vatican à plus tard.
  • Basilique Saint-Patrick - C'est un superbe édifice situé sur René Lévesque.  Il s'agirait de la première église irlandaise à Montréal.  Les vitraux sont remarquables.

  • Église Notre-Dame-Du-Bon-Secours - Située aussi dans le Vieux-Montréal, c'est l'emplacement de la première église fondée par Marguerite Bourgeois.  Très simple dans son décor, on y trouve des lampes provenant de navires.


Il y a bien sûr des synagogues et des mosquées à Montréal, mais leurs édifices restent modestes en comparaison avec la grandiloquence chrétienne.  Il y aussi d'autres églises plus marginales, comme l'Église de Scientologie, qui fait un peu peur avec sa pseudo-science et un nom qui peut faire croire qu'ils peuvent t'aider dans tes travaux de chimie. Rien du genre, je me tiendrais loin à ta place. Il faut vraiment être désespéré et désoeuvré pour embarquer dans les sornettes de Ron Hubbard et sa dianétique. À ne pas négliger aussi les gourous new age qui vident les poches des crédules avec leurs roches d'énergie, leurs prismes de fenêtres et leurs attrapeurs de rêves.  Quand la librairie sent le patchouli et que la vendeuse est nu-pieds, sauve-toi en courant !


Quand j'étais jeune, mes grands-parents voulaient toujours nous donner une médaille de Saint-Christophe (le patron des voyageurs) quand on quittait la maison pour longtemps.  Dans des moments difficiles, j'ai déjà vu ma mère implorer Saint-Jude, le grand patron des causes désespérées.  Une de tes tantes aime bien demander à Saint-Antoine de retrouver ses clés.  On sait jamais, tu pourrais peut-être t'en remettre à Sainte-Catherine, patronne des étudiants, quand la dernière partie à l'étranger t'aura empêchée d'étudier suffisamment pour ton examen.  Peut-être aussi Saint-Gabriel, patron des postiers, quand tu prieras pour que ta dernière passe télégraphiée en zone neutre parvienne à ta coéquipière sans dégâts.  Saint-Éloi, grand patron des plombiers, pourrait aussi t'être utile en désavantage numérique de temps en temps.  Mais, pour ça, il faut que tu crois.  Au moins autant que tu crois que de lacer ton patin gauche avant ton droit peut tout changer à la partie...