05 octobre 2014

R pour Relique

Relique.  Un drôle de mot pour parler du religieux. Ce vocable qui évoque le restant de saint, le morceau d'ADN momifié et faisandé pour la perpétuité entre dans la même catégorie macabre et mystique que crypte, catacombes, stigmates, columbarium, linceul ou ossuaire.

D'aucuns diront que je dois être le pire candidat pour parler de ce sujet, moi l'athée, catholique défroqué, apostasié en bonne et due forme. Mais sache que plusieurs années d'exposition au rituel comme lecteur à la grand-messe du dimanche ont imprimé beaucoup de ritournelles dans l'hémisphère droit de mon encéphale grouillant de vieilleries. Je peux réciter des grands bouts de la messe catholique sans trop y penser. Il n'est pas rare qu'en vélo, en descendant une pente à 55 km/h, j'entonne spontanément: "Il est grand le mystère de la foi, nous proclamons...". Il m'arrive aussi de répondre tout bas à mon interlocuteur "et avec votre esprit" quand le rythme du dialogue s'y prête. Mais il m'arrive aussi de dire "Bonne épicerie" aux gens qui me disent au revoir à la fin de la journée de travail.

Oratoire Saint-Joseph

Quel rapport avec Montréal ? Eh bien, la métropole québécoise a déjà fièrement porté sa désignation de ville aux 100 clochers, malgré qu'aujourd'hui plusieurs de ses temples chrétiens soient en voie de disparaître par manque de fidèles ou de vie paroissiale. Il reste encore un bon nombre de ces clochers qui sont encore debout et dominant ceux-ci, un grand dôme à l'ouest de la montagne que tu as sûrement remarqué, celui de l'Oratoire Saint-Joseph.

Claude Poirier
Construit par étape pendant le 20e siècle, l'Oratoire est un des plus beaux monuments religieux de la ville. Indissociable du monument, le Frère André (Alfred Bessette) a construit une première chapelle en 1904 qui fut ensuite agrandie successivement. Ce Frère André, lui même frêle et malade, a beaucoup oeuvré auprès des pauvres et des malades au point où certains lui attribuèrent des guérisons. Autre occasion d'apprendre un nouveau mot, sache que la job de guérisseur par la voie du miracle s'appelle thaumaturge. Quand il est décédé en 1937, il était célèbre pour ses dons de guérisseur, on sépara donc son coeur de son corps (!). Son corps est inhumé dans un cercueil de marbre et son coeur conservé comme une relique que les gens ont pu contempler à l'Oratoire jusqu'à son vol (!) en 1973. Le coeur fut récupéré en 1974 grâce à l'aide de Claude Poirier (Le Négociateur) et est maintenant conservé dans un endroit secret du monument.

Catherine de Sienne
L'histoire ne dit pas si la dépouille du Frère est demeurée intacte de par sa sainteté, mais n'est-ce pas barbare de détacher le coeur du corps pour une adoration posthume ? Dans un voyage en Italie, j'avais été sidéré d'apprendre (et de voir) que la tête de Sainte-Catherine-de-Sienne avait été séparée du reste de son corps: La tête à Sienne et le corps à Rome. B'en là ! Mais dans la catégorie relique, la palme revient au Palais Topkapi à Istanbul où on prétend nous montrer (sans rire) le bol d'Abraham, le bâton de Moïse, le turban de Joseph, l'épée de David, le crâne de Jean-Baptiste, la barbe, une dent et l'empreinte de pied de Mahomet dans la pierre. Très crédible. Déjà que je serais incrédule si quelqu'un essayait de me faire avaler que son chandail du CH a déjà été porté par Guy Lafleur dans une finale de la Coupe. Je pense que le symbole de la relique revêt plus d'importance que son origine réelle. Un peu, beaucoup comme l'effet placebo en médecine.
 
Après des enquêtes minutieuses par l'Église, le Frère André a été béatifié en 1982 par Jean-Paul II et canonisé en 2010 par Benoit XVI.  Les saints, c'est compliqué, mais c'est un peu comme au hockey.  Une béatification, c'est comme être repêché junior et la canonisation, c'est comme faire le grand club. On dit donc Saint-Frère André depuis 2010.

J'ai ce paradoxe qui m'habite.  Athée, j'ai peine à croire qu'on ait investi autant d'énergie dans la construction de grands temples religieux, alors que souvent, particulièrement dans les paroisses canadiennes-françaises, les fidèles qui l'ont financé vivaient pour la plupart dans la misère au quotidien.  Il est difficile d'accepter le faste de Saint-Pierre-de-Rome et la grande richesse du Vatican sachant que cet ordre ecclésiastique perpétue la tradition de Jésus et des apôtres, modestes itinérants en sandales qui décriaient l'accumulation de richesse matérielle.  Or, il m'est difficile d'imaginer la ville (et le reste du monde) sans ces manifestations architecturales gigantesques, leur baroque symétrie et leurs flèches de clochers qui pointent vers le ciel.  Sans ces édifices religieux, même les grands mécréants cartésiens comme moi trouveraient que le paysage urbain est drabe et sans âme.

Basilique Saint-Pierre de Rome
J'adore donc l'Oratoire pour sa simplicité et sa sobriété.  Les colonnes et la pierre qui l'habitent respirent la paix.  C'est un excellent endroit pour se recueillir ou se calmer le pompon, quelles que soient tes convictions.  Tu peux aussi faire comme plusieurs pèlerins et monter les marches à genou, cependant, je te conseille de mettre tes jambières de hockey avant de faire ça si tu veux continuer ta carrière sportive. Assise dans ce havre paisible et silencieux, il te sera difficile d'imaginer que le groupe rock Offenbach y a présenté un spectacle en 1972, un genre de messe des morts avec du chant grégorien et de la guitare électrique.  Heureusement, ils n'avaient pas encore intégré leur répertoire plus irrévérencieux des années qui suivirent (Tabarnac, Mes Blues passent p'us dans porte, Deux autres bières, Ayoye...)

Dans le paysage de Montréal, plusieurs autres temples sont dignes de mention. Entre autres:

  • Basilique Notre-Dame - La Basilique Notre-Dame est située à la Place d'Armes devant la statue de Paul Chomedey de Maisonneuve.  On y a déjà assisté à une présentation du Messie de Haendel.  Il y a un magnifique orgue Casavant, de belles boiseries et des dorures en feuilles d'or.

  • Cathédrale Marie-Reine-du-Monde - D'un point de vue architectural, c'est une réplique de Saint-Pierre-de-Rome à l'échelle 1/3.  Une bonne façon de remettre un voyage au Vatican à plus tard.
  • Basilique Saint-Patrick - C'est un superbe édifice situé sur René Lévesque.  Il s'agirait de la première église irlandaise à Montréal.  Les vitraux sont remarquables.

  • Église Notre-Dame-Du-Bon-Secours - Située aussi dans le Vieux-Montréal, c'est l'emplacement de la première église fondée par Marguerite Bourgeois.  Très simple dans son décor, on y trouve des lampes provenant de navires.


Il y a bien sûr des synagogues et des mosquées à Montréal, mais leurs édifices restent modestes en comparaison avec la grandiloquence chrétienne.  Il y aussi d'autres églises plus marginales, comme l'Église de Scientologie, qui fait un peu peur avec sa pseudo-science et un nom qui peut faire croire qu'ils peuvent t'aider dans tes travaux de chimie. Rien du genre, je me tiendrais loin à ta place. Il faut vraiment être désespéré et désoeuvré pour embarquer dans les sornettes de Ron Hubbard et sa dianétique. À ne pas négliger aussi les gourous new age qui vident les poches des crédules avec leurs roches d'énergie, leurs prismes de fenêtres et leurs attrapeurs de rêves.  Quand la librairie sent le patchouli et que la vendeuse est nu-pieds, sauve-toi en courant !


Quand j'étais jeune, mes grands-parents voulaient toujours nous donner une médaille de Saint-Christophe (le patron des voyageurs) quand on quittait la maison pour longtemps.  Dans des moments difficiles, j'ai déjà vu ma mère implorer Saint-Jude, le grand patron des causes désespérées.  Une de tes tantes aime bien demander à Saint-Antoine de retrouver ses clés.  On sait jamais, tu pourrais peut-être t'en remettre à Sainte-Catherine, patronne des étudiants, quand la dernière partie à l'étranger t'aura empêchée d'étudier suffisamment pour ton examen.  Peut-être aussi Saint-Gabriel, patron des postiers, quand tu prieras pour que ta dernière passe télégraphiée en zone neutre parvienne à ta coéquipière sans dégâts.  Saint-Éloi, grand patron des plombiers, pourrait aussi t'être utile en désavantage numérique de temps en temps.  Mais, pour ça, il faut que tu crois.  Au moins autant que tu crois que de lacer ton patin gauche avant ton droit peut tout changer à la partie...




5 commentaires:

  1. Bon là tu viens de répondre à ma question : qu'est-ce que la petite boule que je vois au loin, par dessus du Sears du carrefour Angrignon? La basilique!
    Pour ce qui est des Saints, je tiens à préciser que Nancy devrait laisser un peu de temps à Saint-Antoine pour qu'il m'aide à faire mes bagages... Et que Saint-Nicolas est aussi le patron des écoliers selon une belle chanson d'enfant qui est assez facile à avoir dans la tête quand que tu passes le balai pendant 5h...
    Je ne sais pas qui est le Saint (ou la Sainte) du hockey, mais c'est peut-être la deuxième fonction de sainte-anne (qui assure sa protection aux tourneurs, sculpteurs, ébénistes, orfèvres, fabricants de balais et de gants, bonnetiers, couturières, lavandières, blanchisseurs, cardeurs, chiffonniers, navigateurs et mineurs, des dentellières, des brodeuses et des fabricants de bas) parce qu'allumer un cierge à Beaupré, ça aide, même dans la NHL!

    et pis aussi je suis un peu troublée que tu saches que j'attache mon patin gauche en premier.......

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  2. M'semble que Patrick Roy, lui, ne patinait pas sur les lignes en se rendant et en revenant de son filet.

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    1. Ça devait être drôle quand il passait la bleue!

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  3. Rachel, tu me fais toujours bien rire avec tes commentaires!
    Je fais de gros efforts concernant tu sais qui. Souvent, j'évite de le demander histoire de maximiser mes chances d'être exhausser pour quand c'est du sérieux ... Je voulais que tu le saches, pour tes bagages...
    Concernant les patins, l'important c'est de les attacher les yeux ouvert pour ne pas confondre le droit et le gauche...
    Go Rachel! Go!
    Nancy

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    1. Hahaha merci pour le conseil pour mes patins! C'est un bon truc!

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