19 mars 2015

Z pour Zee End

Z pour Zee End.  Comme la jeunesse, tout à une fin, même l'alphabet. Aujourd'hui, jour de tes 18 ans, tu quittes l'enfance définitivement (au sens québécois) et j'en profite pour mettre une dernière main sur cet abécédaire épistolaire urbain. J'ose croire que tu y as appris des choses intéressantes et que tu te sens plus à l'aise dans la grande ville après quelques mois à y résider.

Je comprends que jusqu'à date, tu as surtout orbité autour du Cégep, la résidence étudiante et les arénas. Je t'imaginais voguer plus souvent à la découverte de nouveaux lieux, mais je réalise que dans les derniers mois, tes temps libres baignent surtout dans des odeurs de vestiaire quand ils ne portent pas la fragrance minérale du crayon qui glisse sur le papier mat des cahiers scolaires. Pour le reste, l'autobus Limocar est un peu devenu ta navette spatiale pour les retours fréquents à la base familiale. Tout ça témoigne de ta détermination à atteindre tes objectifs, mais aussi que tu as vite compris qu'on peut très bien faire son nid ailleurs tout en demeurant en symbiose avec son noyau familial. Surtout quand on peut ramener son sac de lessive et repartir avec un sac d'épicerie. Ça, je l'avais prescrit dès la lettre A. Tu apprends vite.

J'avais visualisé la grande joie qui m'habite dans tout projet d'écriture, mais je n'avais pas cru en apprendre autant et surtout m'aventurer dans autant de zones marginales en écrivant à ma nièce. En opposition à des A, B, C, D assez inoffensifs, on a eu des G, I, P et X plutôt osés.  Je sais que tu as particulièrement apprécié les thèmes qui te touchent de plus près comme le C, le K, le L, le O ou le U, mais que les sujets aient été ou non dans ton cercle d'intérêt, j'ai toujours senti une véritable écoute vis à vis celui qui essaie de toutes ses forces d'être un mentor utile, ressourçant, en se permettant parfois d'être un brin impertinent.

J'ai longtemps pensé à associer une chanson comme trame sonore à cette dernière missive. J'avais d'abord pensé à la très populaire Deux par Deux Rassemblés de Pierre Lapointe. Cet hymne à la vie frappe dans le mille pour ce qu'on aimerait dire à une fille (femme) de 18 ans pleine de talent qui a toute la vie devant elle: "Ce n'est sûrement pas de briller qui nous empêchera de tomber.  Ce n'est sûrement pas de tomber qui nous empêchera de rêver".  C'est quelque chose que j'aurais aimé écrire.

J'ai penché aussi pour la suite Golden Slumbers-Carry That Weight-The End qui est très à propos. Cette triade de pièces qui conclut Abbey Road, le dernier album des Beatles, est surtout une complainte de Paul qui se désole de la dislocation nécessaire du groupe. Cependant, dans sa maturité créatrice, il a réussi quand même à raffiner suffisamment le texte pour qu'on puisse y trouver en quelques minutes le cycle complet de la vie. Commençant par une tendre ballade qui promet la berceuse qui réconforte la fillette avant son sommeil: "Sleep pretty darling, do not cry and I will sing a lullaby", le quatuor enchaîne avec un chant tonitruant presque militaire qui annonce le tumulte d'une vie adulte faite de grandes attentes souvent déçues: "You're gonna carry that weight a long time... in the middle of the celebration I break down". The End, la pièce finale, en plus de nous donner une des plus mémorables leçon de guitare électrique de tous les temps et le seul solo de batterie enregistré par les Beatles, nous laisse avec cette phrase simple, mais monumentale: "And in the end, the love you take is equal to the love you make" -> "Au final, l'amour que tu reçois équivaut à l'amour que tu donnes".  C'est presque la loi de conservation de la chimie appliquée à notre façon de se traiter soi-même, de s'impliquer dans nos projets et surtout de transiger avec les autres. L'autre chose à comprendre, c'est que ça finit par finir, ça peut durer à peu près 100 ans et qu'on a juste une chance de bien faire. Il faut donc cultiver ses passions, ne gaspiller aucun rêve, connecter le mieux possible avec nos congénères et garder les deux pieds sur terre.

Mais malgré la place de choix qu'ils occupent dans mes préférences musicales, je n'ai pas choisi les Beatles pour bercer la clôture de cette série de lettres. J'ai plutôt pigé dans le répertoire d'une autre bibite célèbre, Bob Dylan. La chanson que j'ai choisie en est une de rupture amoureuse, mais ça n'a aucune importance, car ce vieux routier du folk a toujours dit de ceux qui cherchaient des significations profondes et précises à ses textes perdaient un peu leur temps, car en bon poète, il choisit les mots et les rimes juste en fonction de la beauté qu'il perçoit et comme pour la peinture, c'est à chacun son interprétation. La chanson est You're a Big Girl Now. (T'es une grande fille maintenant).

Je suis peut-être un sentimental fini, mais le thème de cette chanson triste vient me prendre à la gorge à chaque fois. Je déplace immanquablement le propos du texte vers ma nostalgie de la jeunesse qui s'évapore (Time is a jet plane, it moves too fast). Je ne me suis pas reproduit, mais la chance que j'ai d'avoir vu grandir de près mes neveux et nièces m'a transformé au point où l’occurrence de leur départ du noyau familial m'angoisse silencieusement. Chaque fois que j'entends ce râle de douleur après la première mesure de chaque couplet, je ne peux m'empêcher de faire fast-forward vers le vide de votre absence après qu'un à un, vous vous serez affranchis de nos ficelles pour faire votre vie. C'est comme une mini-rupture chaque fois, dans l'ordre des choses certes, mais ça me pince le coeur de l'envisager (like a corkscrew to my heart).

Mais voilà, je dois cesser de me désoler sur le chemin solitaire de la vieillesse qui nous guette. Mets le son dans le tapis et la vidéo plein écran...

18 ans, ce n'est pas une fin, c'est un commencement. Tu es une grande fille maintenant, you made it there somehow, you're a big girl now, you're a big girl all the way...




05 mars 2015

Y pour YUL


Y pour YUL.  Tu pensais que j'avais touché le fond avec XXX, mais contrairement à ce que tu crois, je n'ai pas choisi le prénom de l'acteur Yul Brynner ou les trois premières lettres de mon mot de passe, mais bien un code qui a une grande signification pour la ville. C'est le code de l'aéroport Montréal-Trudeau (Dorval). Tous les aéroports du monde ont un code à trois lettres assignées par l'IATA et à Montréal (Dorval), c'est YUL.

Si les grands penseurs avaient vu juste il y a 46 ans, on parlerait plutôt de YMX (Mirabel), mais l'histoire en a décidé autrement. En 1969, le gouvernement fédéral mettait la main sur 100 000 acres de terre, conduisant à l'expropriation de milliers de personnes et de terres agricoles dans le but de développer ce qui était pour devenir l'aéroport principal de Montréal. Le gouvernement de Pierre-Elliott Trudeau promettait alors un achalandage monstre pour l'avenir, prévoyant des dizaines de millions de passagers. Il fallait donc beaucoup de terrain pour une expansion à la hauteur de ces grandes ambitions. Si le plan avait été accompli au complet, YMX serait devenu le plus grand aéroport du monde (pour l'époque). Des municipalités comme Ste-Scholastique et St-Janvier en sont disparues de la carte et des milliers de résidents n'ont jamais digéré perdre leur patelin et leur propriété. On aurait probablement oublié l'affront si tout ça s'était vraiment réalisé, mais le projet n'a jamais dépassé la phase 1 et Dorval est demeuré l'aéroport no 1 jusqu'à aujourd'hui. Le terminal aérogare de Mirabel a même récemment été détruit et l'aéroport ne sert maintenant que pour les marchandises et les vols d'essai. Quel fiasco et surtout quel affront aux expropriés de voir qu'on a en plus honoré Trudeau en rebaptisant l'aéroport de Dorval à son nom...


D'aucuns diront que c'est facile à dire 46 ans après et que la vision aurait peut-être pu se réaliser. En effet, en 1969, Montréal était encore la métropole du Canada, on venait de s'ouvrir sur le monde avec Expo 67 et la ville avait obtenu la tenue des Jeux Olympiques de 76. Cependant, la crise d'octobre 70, la montée du nationalisme et l'élection du Parti Québécois en 1976 a graduellement favorisé (pour les mauvaises raisons) Toronto comme place d'affaires et nombre de sièges sociaux se sont déplacés autour du domicile des Maple Leafs. Montréal s'est révélé dans les années 80 une grande métropole culturelle, mais T.O est depuis la capitale économique du pays. Et qui dit capitale économique dit plaque tournante du trafic aérien. C'est ainsi que la plupart des vols internationaux sans escale se font presque tous de Toronto au détriment de Dorval qui fait tout de même transiter plus de 14 millions de passagers chaque année. Au final, je pense que Mirabel était tout de même un mauvais choix, loin du centre-ville, alors qu'on avait déjà un site comme Dorval directement sur l'île.

Tout ça pour dire que si un jour tu te retrouves outre-mer ou outre-frontière avec ta poche de hockey ou ton pack-sac, c'est le YUL sur ton étiquette de bagage qui pointera tes valises dans notre direction pour le chemin du retour, en espérant que c'est écrit la même chose sur ton billet passager, car on voudrait que tu reviennes en même temps que tes fringues. On t'aime bien mais de là à faire ton lavage avant ton arrivée, y a toujours b'en des limites.

Malgré que c'est toujours agréable de voir de nouveaux pays et de nouvelles cultures, à chaque fois que je voyage pour une période la moindrement longue, c'est toujours avec une petite émotion que je contemple le YUL qui identifie la destination finale de ma valise quand je m'enregistre sur les vols du retour à la maison. C'est beau voyager, mais ça fait aussi doublement apprécier le confort de notre chez-nous et la chaleur de la famille et des amis, qui dans notre cas gravitent pour la plupart autour de YUL.


Je dois bien avoir une cinquantaine de codes à trois lettres dans notre collection de souvenirs. Bien que ça peut être vraiment désagréable de se faire "barouetter" comme du bétail à l'embarquement, c'est toujours excitant d'atterrir dans une nouvelle destination. L'arrivée dans le noir à JRO est mémorable et un peu terrifiant. Le souvenir du vent qui secoue l'appareil de 19 passagers à LPZ mouille encore mes paumes. Chaque passage à CDG nous rappelle l'endroit où on a appris la naissance de Julien.

Je souhaite ardemment que tu puisses un jour poser tes valises à BUD pour son charme suranné, à BCN pour son insatiable vie nocturne, à EZE pour son exubérance désinvolte, à SGN qui se croque comme un fruit tropical ou à PRG pour son seul Pont Charles et peut-être ses équipes de la KHL. Je te souhaite sincèrement que tu puisses un jour descendre à LHR ou CDG pour autre chose qu'une triste escale et que tu puisses découvrir ces cités éternelles mieux que nous. Monia et moi n'avons encore jamais pris le temps d'explorer ces centres historiques de l'univers. (Tu peux t'imaginer combien je me délecte de jouer à te faire deviner et chercher ce qui se cache derrière tous ces codes).

Avant que tu entreprennes une carrière de globe-trotteuse, je pense que dans un futur proche, il n'est pas impossible que tu trouves JFK, BOS, YYZ ou même LAX pour accompagner le YUL sur ton équipement. Un tournoi à LAX, c'est peut-être un peu "long shot", mais avec Gary Bettman qui insiste pour avoir du hockey à LAS avant YQB, je ne verrais pas d'un mauvais oeil qu'une équipe féminine de chez-nous aille donner des leçons de hockey à des bimbos californiennes. Il est permis de fabuler. Et tant qu'à rêver, tu peux même oser espérer coller une étiquette à bagages YUL-YNY en 2018 sur ta poche de hockey. Bon, il y aura sûrement une bonne tapisserie d'étiquettes pour faire la route entre YUL et YNY, mais c'est la destination qui compte (qui compte, la pognes-tu ?).  Ce qui me fait peur avec cette éventualité, c'est que Léo m'a déjà demandé si j'allais payer son billet le cas échéant. L'histoire ne dit pas si c'est le billet d'avion ou le billet pour la patinoire...  Mais j'imagine bien que si c'est pour arriver, tu ne seras pas la seule dans la famille à pouvoir dire que tu as atterri à l'aéroport de Yangyang...



07 février 2015

X pour XXX


X pour XXX.  Je rivalise d'originalité avec moi-même pour les dernières lettres de l'alphabet, n'est-ce pas ?  Ne t'inquiète pas, on n'aura pas à mettre la mention: "Cette entrée de blogue pourrait contenir des scènes pouvant ne pas convenir à certains lecteurs", nous allons rester dans la décence et le bon goût.

Montréal XXX. B'en oui. Si on faisait un top 10 des villes XXX en Amérique du Nord, on trouverait assurément Montréal dans la même tale que Las Vegas et Los Angeles. Las Vegas est un difficile point de comparaison, puisqu'il s'agit d'un grand centre d'amusement à ciel ouvert et Los Angeles ferait sa place dans la liste en s'illustrant comme le Hollywood de l'industrie pornographique. Ce classement n'est que fictif et tu me diras que ce ne serait pas vraiment un honneur pour la ville de se retrouver dans ce palmarès, mais sache que la ville entretient cette réputation en catimini. Il n'y a qu'à regarder le logo de Tourisme Montréal avec son gros bec de rouge-à-lèvres. T'avais pas remarqué ça, hein ?!

Sans trop s'en vanter, les autorités de la ville aiment bien que les touristes, États-Uniens en particulier, perçoivent Montréal comme un peu plus libertine que la moyenne. Ça permet de différencier la ville dans un créneau particulier, détournant l'attention de certains aspects moins vendeurs (comme les cônes oranges et nos voies rapides plutôt lentes). Certains évènements se collent subtilement bien à cette réputation. Par exemple, le Grand-Prix de Formule 1 qui attire son lot de clients en rut pour les agences d'escortes et les travailleuses(eurs) du sexe. Il suffit de se promener sur la rue Crescent la semaine de la course pour voir toutes ses "hôtesses" qui essaient d'émoustiller les douche-bags (et autres messieurs distingués) qui bavent devant les rutilantes Ferrari.

Mais même hors du Grand-Prix, Montréal demeure un endroit prisé par les étrangers qui n'ont pas accès à tant de stimulations visuelles (illicites dans leur pays), notamment au sud de notre frontière. Aux USA, plusieurs villes et états ont voté des règlements qui rendent illégal ou très compliqué l'exploitation d'un club de danseuses nues. Certains touristes facilement impressionnables en provenance de ces endroits (plus évolué ?) n'en reviennent tout simplement pas des degrés de "liberté" des bars locaux. Dans plusieurs des gentlemen's club américains (c'est comme ça qu'ils les nomment hypocritement), on ne sert pas d'alcool, l'âge légal est plus élevé, les filles ne sont pas complètement nues et il n'est pas question de toucher ou même de s'approcher. Malheureusement, pour certains Vermonters et même des Ontariens, leur visite au SuperSexe, Chez Wanda ou Chez Parée, sera le souvenir le plus grandiose qu'il retiendront de notre métropole.

J'ai l'air de m'y connaître, mais je ne pense pas être allé dans de tels établissement plus de trois fois dans mon existence. J'ai beaucoup de difficulté à regarder en face une personne qui est forcée de s'humilier devant moi, car bien que certaines diront qu'elles dansent nues par choix, je pense que c'est une infime minorité, bien franchement. Il y a beaucoup de drogue, d'exploitation et de crime organisé dans ce milieu et j'ai bien du mal à croire que toutes les filles s'adonnent à cet exercice plutôt dégradant de leur plein gré. 

J'ai peut-être tendance à trop voir ce qui se cache derrière le rideau (ou derrière le derrière), mais le peu de fois où je me suis retrouvé dans un endroit du genre, j'ai toujours éprouvé une grande gêne. Et puis les talons hauts en plastique transparent (mon souvenir le plus limpide), ça me donne envie de vomir. La première fois, c'était  Chez Parée, en 1990, dans le temps le nec plus ultra dans le genre. Cette fois-là, ce n'était pas pour suivre les autres, mais une curiosité de jeune adulte. Un peu intimidé dès mon entrée, j'ai été reçu par un placier (plutôt une brute bien baraquée en tuxedo) peu enclin à l'empathie devant un jeune blanc-bec qui n'a jamais rien vu. Comme je suis seul, il ne me donne pas une table, mais un siège le long du grand catwalk où la jeune dame nue s'exhibe en contortions exotiques. Ça sert aussi de bar où je déposerai ma consommation en espérant qu'une strip-teaseuse ne l'accroche pas. Après m'être timidement assis, je réalise que le portier reste à côté de moi. Ah, il veut un pourboire. Honnête: "Scuse, j'ai pas d'change". Impassible et ferme: "J'vas t'en faire !".  Il casse mon 20$ en quatre 5$. La bière est 6$ avant pourboire. Après plusieurs arabesques autour d'un poteau chromé, la fille termine en me regardant de haut tout en présentant un examen gynécologique public à un mètre de ma bière. J'ai beaucoup de difficulté à croire que quelqu'un fasse ça par choix éclairé à moins d'être exploité, en dette profonde ou au bord du désespoir.

La prostitution est aussi un problème répandu dans notre belle métropole, mais ça, ça existe depuis la nuit des temps. Que ce soit sous le principe de l'escorte ou de la putain de rue, les affaires sont meilleures pendant les festivals d'été. D'ailleurs, le GP de F1, c'est pour les travailleurs du sexe ce que Noël est aux commerçants. Disons qu'il n'y a pas que le champagne qui coule à flots. T'as peut-être tendance à croire qu'il vaudrait mieux interdire la pratique, pour les mêmes raisons qui me font abhorrer la danse nue, mais je dirais que la prohibition de produits ou de services pour lequel une grande demande existe a toujours un effet pervers, surtout qu'on dit que la prostitution, c'est le plus vieux métier du monde. Le gouvernement fédéral actuel, assez maladroit et hypocrite sur la question, a bien tenté de criminaliser la clientèle au lieu de punir les filles, mais cette loi engendre une plus grande clandestinité, ce qui met les travailleuses en danger d'autant plus. Je pense qu'il vaudrait mieux légaliser ce métier avec des balises, des milieux sécuritaires et des programmes pour permettre à plus de filles (et garçons) de s'en sortir (en partant de l'idée que ce n'est pas une carrière). Mais, il ne faut pas attendre de miracles progressistes de nos épouvantails conservateurs.


On a déjà entendu des filles (ou sont-ce des personnages de romans ou des légendes urbaines): "Je danse dans les bars pour payer mes études". Sans dire que ça ne s'est jamais fait, j'ai mes doutes sur la cohabitation de ces deux activités. Si un jour de pénurie financière, tu sens l'appel du poteau de danse, sache que nous préférons infiniment plus de te savoir en train de virevolter autour du poteau des buts. Les filles qui choisissent l'autre poteau, en plus de mettre leur dignité en jeu, marchent inévitablement vers une chute sans but dans les mailles du filet du crime organisé. Crois-moi, tu préfères continuer à poursuivre ton but en t'élançant vers les filets adverses, en patins, pas en talons de plastique...


Le X est derrière nous, vivement le Y.

11 janvier 2015

W pour World-Cup


World-Cup.  Tu vas dire que je triche avec des mots en anglais, mais j'ai préféré prendre un terme plus pertinent par rapport au sujet que je voulais aborder. Mon premier choix, Westmount, était trop excentré du thème pour apparaître en titre. En fait, comme je veux (re)parler du caractère multi-ethnique de Montréal, effleurant au passage des sujets déjà développés autour du A, du C et du G, je trouvais que l'anglicitude de la ville n'évoquait pas suffisamment l'exotisme dont il sera question ici.

La clôture
Westmount est quand-même une curiosité en soi, de même que Hampstead, Côte St-Luc et Mount-Royal, ces enclaves anglophones pures et dures non-fusionnées dans la grande-ville. Ce sont des endroits qui sont premièrement difficiles d'accès, moins bien intégrés au réseau de transport en commun par leur autonomie par rapport à Montréal, mais aussi parce qu'ils semblent aimer ça ainsi. Il y a même une clôture qui longe le Boulevard Acadie pour séparer Town of Mount-Royal du quartier Parc-Extension. On fermait les quelques portes de cette clôture à l'Halloween il y a quelques années (soi-disant pour éviter le vandalisme, mais probablement surtout pour soustraire les riches résidents de la visite des pauvres petits-monstres du quartier voisin). C'est peut-être encore le cas.
En haut de la côte

Dans le bas de la côte
Dans le quartier Sud-Ouest, ce n'est pas une clôture, mais le chemin de fer et l'autoroute Ville-Marie. Si tu as l'occasion de lire Bonheur d'Occasion de Gabrielle Roy, tu pourras t'imprégner de ce vieux clivage entre les deux côtés du chemin de fer. Je n'oublierai jamais mes promenades au delà des rails quand Monia et moi restions dans le quartier St-Henri (où le roman se déroule). En montant la Côte Glen, je pénétrais dans Westmount en passant sous le pont de train et j'entrais dans un autre environnement totalement différent du bas de la côte. C'était exotique par le seul décalage vertigineux d'espace par habitant. C'est vraiment dans ces randonnées pédestres urbaines que j'ai apprécié la pleine mesure de l'expression: "Born on the wrong side of the track".

Vingt-cinq ans plus tard, le quartier St-Henri s'embourgeoise petit-à-petit, les francophones comme Normand Brathwaite, Eugénie Bouchard s'installent à Westmount autant que les héritiers anglos. Peut-être que seul Hampstead s'embourbe dans la ghettoïsation avec son conseil municipal 100% juif anglophone. Sans aucune recette particulière, le reste de Montréal a justement résisté à cette tare si tenace à d'autres agglomérations comme Paris. Dans certains quartiers de Paris, les services d'urgence refusent de se présenter, la pauvreté et la polarisation religio-ethnique ayant créé un dangereux cocktail de violence et d'intégrisme. Bien sûr, Montréal n'est pas complètement homogénéisé. Avouons que l'ouest de l'ile est très anglicisée, que Montréal-Nord concentre beaucoup d'Haïtiens, que les juifs orthodoxes occupent plus qu'ils n'habitent leur quartier, mais il n'en demeure pas moins que ces concentrations sont mouvantes, qu'elles sont joliment intégrées dans le tissu urbain et qu'au lieu de se refermer sur elles-mêmes, la plupart s'ouvrent sur la ville entière.

Il suffit de parcourir la rue Jean-Talon d'Ouest en Est entre Viau et le Boulevard Acadie. On passe descannolis dans les pâtisseries italiennes aux poulet tandoori dans Parc Extension. On peut déguster un couscous royal dans les petits boui-boui algériens et syriens et coiffer le tout avec un café dans un des authentiques bars à espresso italiens de la Petite Italie tout près du Marché Jean-Talon qui met en valeur nos richesses culinaires indigènes.  Même chose si tu arpentes St-Laurent où ce sont des Portuguais, des Italiens, des Espagnols qui partagent leurs spécialités avec leurs bars, cafés et restaurants, sans oublier les Chinois si tu descends jusque dans le Vieux.


Il n'y a pas meilleur moment pour apprécier cette courtepointe multi-culturelle que pendant la Coupe du Monde de Soccer (World Cup). Cet évènement est à tous les 4 ans, la même année que les Jeux Olympiques d'Hiver depuis qu'ils se sont décalés des jeux d'été en 1994. La ville est hockey, le pays aussi, mais nous sommes l'exception. Partout ailleurs dans le monde, à part peut-être les vieilles colonies anglaises du sud-est asiatique qui sont crickets et un peu rugby ou les États-Uniens qui sont football et baseball, tous les Terriens sont soccer (ils sont football, mais je parle de soccer pour éviter la confusion avec le football américain).


Grâce à la richesse culturelle de Montréal qui s'est fondue dans la trame urbaine, les étés de Coupe du Monde sont électriques dans la ville. Les fans de soccer sont très démonstratifs, festifs et passionnés de leur sport. Pendant le mois que dure la Coupe, certaines rues, le boulevard St-Laurent particulièrement, se transforment en espace de fête publique presqu'ininterrompue. C'est le moment parfait pour (ré)apprendre ses drapeaux et refaire la carte des quartiers ethniques. Contrairement à l'animosité qu'on peut voir entre Habs et Bruns quand la tension des séries monte d'un cran, la très grande majorité des manifestations de joies lors de victoires (ou de défaites) est très civilisée, mais extrêmement démonstratives. Et avec la diversité qu'on a ici, quelque soit le résultat de chaque match, il y a toujours un gagnant.


Comme il n'y a pas vraiment de ghettos clairement délimités dans Montréal, ce sont les bars qui deviennent les pôles pour les partisans, grâce à la magie du câble et des écrans géants. Beaucoup de bars affichent leurs couleurs et accueillent majoritairement des partisans avec le drapeau de la bonne couleur. Tout ça reste bon enfant et sans trop de débordements de violence. Il n'est pas rare de voir trois ou quatre rangées de Portugais qui débordent du Café Olimpico rempli à craquer un soir de match. L'Barouf est un des pôles pour ceux qui encouragent les Bleus, le Club Social Argentin accueille les Portenos et la relative majorité des Italiens donne l'embarras du choix pour ceux qui suivent la Squadra Azzura. Les Brésiliens, les Grecs, les Africains, etc, ont tous leurs bars respectifs pour célébrer le ballon rond. C'est probablement un excellent moment de rapprochement pour ces communautés qui peuvent revenir un peu au pays de leurs ancêtres le moment d'un match.

Un excellent article du Journal Métro fait un sommaire intéressant des endroits où on peut aller voir les matches. Peut-être seras-tu encore dans la métropole pour la prochaine Coupe en 2018.


Je sais, je sais, il n'y a rien comme un bon match de la Coupe Stanley ou une finale Olympique Canada-USA, mais en plein été, je te garantis que l'atmosphère de la ville en Coupe du Monde de Soccer est un succédané savoureux.

Exit le soccer, on se dirige vers le X.  Ça va chauffer...