11 janvier 2015

W pour World-Cup


World-Cup.  Tu vas dire que je triche avec des mots en anglais, mais j'ai préféré prendre un terme plus pertinent par rapport au sujet que je voulais aborder. Mon premier choix, Westmount, était trop excentré du thème pour apparaître en titre. En fait, comme je veux (re)parler du caractère multi-ethnique de Montréal, effleurant au passage des sujets déjà développés autour du A, du C et du G, je trouvais que l'anglicitude de la ville n'évoquait pas suffisamment l'exotisme dont il sera question ici.

La clôture
Westmount est quand-même une curiosité en soi, de même que Hampstead, Côte St-Luc et Mount-Royal, ces enclaves anglophones pures et dures non-fusionnées dans la grande-ville. Ce sont des endroits qui sont premièrement difficiles d'accès, moins bien intégrés au réseau de transport en commun par leur autonomie par rapport à Montréal, mais aussi parce qu'ils semblent aimer ça ainsi. Il y a même une clôture qui longe le Boulevard Acadie pour séparer Town of Mount-Royal du quartier Parc-Extension. On fermait les quelques portes de cette clôture à l'Halloween il y a quelques années (soi-disant pour éviter le vandalisme, mais probablement surtout pour soustraire les riches résidents de la visite des pauvres petits-monstres du quartier voisin). C'est peut-être encore le cas.
En haut de la côte

Dans le bas de la côte
Dans le quartier Sud-Ouest, ce n'est pas une clôture, mais le chemin de fer et l'autoroute Ville-Marie. Si tu as l'occasion de lire Bonheur d'Occasion de Gabrielle Roy, tu pourras t'imprégner de ce vieux clivage entre les deux côtés du chemin de fer. Je n'oublierai jamais mes promenades au delà des rails quand Monia et moi restions dans le quartier St-Henri (où le roman se déroule). En montant la Côte Glen, je pénétrais dans Westmount en passant sous le pont de train et j'entrais dans un autre environnement totalement différent du bas de la côte. C'était exotique par le seul décalage vertigineux d'espace par habitant. C'est vraiment dans ces randonnées pédestres urbaines que j'ai apprécié la pleine mesure de l'expression: "Born on the wrong side of the track".

Vingt-cinq ans plus tard, le quartier St-Henri s'embourgeoise petit-à-petit, les francophones comme Normand Brathwaite, Eugénie Bouchard s'installent à Westmount autant que les héritiers anglos. Peut-être que seul Hampstead s'embourbe dans la ghettoïsation avec son conseil municipal 100% juif anglophone. Sans aucune recette particulière, le reste de Montréal a justement résisté à cette tare si tenace à d'autres agglomérations comme Paris. Dans certains quartiers de Paris, les services d'urgence refusent de se présenter, la pauvreté et la polarisation religio-ethnique ayant créé un dangereux cocktail de violence et d'intégrisme. Bien sûr, Montréal n'est pas complètement homogénéisé. Avouons que l'ouest de l'ile est très anglicisée, que Montréal-Nord concentre beaucoup d'Haïtiens, que les juifs orthodoxes occupent plus qu'ils n'habitent leur quartier, mais il n'en demeure pas moins que ces concentrations sont mouvantes, qu'elles sont joliment intégrées dans le tissu urbain et qu'au lieu de se refermer sur elles-mêmes, la plupart s'ouvrent sur la ville entière.

Il suffit de parcourir la rue Jean-Talon d'Ouest en Est entre Viau et le Boulevard Acadie. On passe descannolis dans les pâtisseries italiennes aux poulet tandoori dans Parc Extension. On peut déguster un couscous royal dans les petits boui-boui algériens et syriens et coiffer le tout avec un café dans un des authentiques bars à espresso italiens de la Petite Italie tout près du Marché Jean-Talon qui met en valeur nos richesses culinaires indigènes.  Même chose si tu arpentes St-Laurent où ce sont des Portuguais, des Italiens, des Espagnols qui partagent leurs spécialités avec leurs bars, cafés et restaurants, sans oublier les Chinois si tu descends jusque dans le Vieux.


Il n'y a pas meilleur moment pour apprécier cette courtepointe multi-culturelle que pendant la Coupe du Monde de Soccer (World Cup). Cet évènement est à tous les 4 ans, la même année que les Jeux Olympiques d'Hiver depuis qu'ils se sont décalés des jeux d'été en 1994. La ville est hockey, le pays aussi, mais nous sommes l'exception. Partout ailleurs dans le monde, à part peut-être les vieilles colonies anglaises du sud-est asiatique qui sont crickets et un peu rugby ou les États-Uniens qui sont football et baseball, tous les Terriens sont soccer (ils sont football, mais je parle de soccer pour éviter la confusion avec le football américain).


Grâce à la richesse culturelle de Montréal qui s'est fondue dans la trame urbaine, les étés de Coupe du Monde sont électriques dans la ville. Les fans de soccer sont très démonstratifs, festifs et passionnés de leur sport. Pendant le mois que dure la Coupe, certaines rues, le boulevard St-Laurent particulièrement, se transforment en espace de fête publique presqu'ininterrompue. C'est le moment parfait pour (ré)apprendre ses drapeaux et refaire la carte des quartiers ethniques. Contrairement à l'animosité qu'on peut voir entre Habs et Bruns quand la tension des séries monte d'un cran, la très grande majorité des manifestations de joies lors de victoires (ou de défaites) est très civilisée, mais extrêmement démonstratives. Et avec la diversité qu'on a ici, quelque soit le résultat de chaque match, il y a toujours un gagnant.


Comme il n'y a pas vraiment de ghettos clairement délimités dans Montréal, ce sont les bars qui deviennent les pôles pour les partisans, grâce à la magie du câble et des écrans géants. Beaucoup de bars affichent leurs couleurs et accueillent majoritairement des partisans avec le drapeau de la bonne couleur. Tout ça reste bon enfant et sans trop de débordements de violence. Il n'est pas rare de voir trois ou quatre rangées de Portugais qui débordent du Café Olimpico rempli à craquer un soir de match. L'Barouf est un des pôles pour ceux qui encouragent les Bleus, le Club Social Argentin accueille les Portenos et la relative majorité des Italiens donne l'embarras du choix pour ceux qui suivent la Squadra Azzura. Les Brésiliens, les Grecs, les Africains, etc, ont tous leurs bars respectifs pour célébrer le ballon rond. C'est probablement un excellent moment de rapprochement pour ces communautés qui peuvent revenir un peu au pays de leurs ancêtres le moment d'un match.

Un excellent article du Journal Métro fait un sommaire intéressant des endroits où on peut aller voir les matches. Peut-être seras-tu encore dans la métropole pour la prochaine Coupe en 2018.


Je sais, je sais, il n'y a rien comme un bon match de la Coupe Stanley ou une finale Olympique Canada-USA, mais en plein été, je te garantis que l'atmosphère de la ville en Coupe du Monde de Soccer est un succédané savoureux.

Exit le soccer, on se dirige vers le X.  Ça va chauffer...